Le gouvernement vénézuélien assurait mercredi avoir été victime la veille d'une tentative de coup d'État avec le jet depuis un hélicoptère de grenades sur la Cour suprême, l'opposition et des analystes se montrant quant à eux dubitatifs.

Dénonçant le «silence» de la communauté internationale, le chef de la diplomatie Samuel Moncada a ordonné aux ambassadeurs du Venezuela d'informer «tous les ministères des Affaires étrangères du monde» de cette «attaque terroriste».

«Ils protègent les auteurs de ce fait avec leur complicité et leur ignorance feinte», a-t-il déclaré dans une conférence de presse, questionnant le rôle des États-Unis, du Mexique et de l'Union européenne tout en remerciant la Bolivie, Cuba, l'Équateur et la Turquie pour avoir exprimé leur solidarité.

L'auteur de cette attaque inhabituelle, survenue mardi soir à Caracas, a un profil atypique: Oscar Pérez, inspecteur aéronautique de la police scientifique âgé de 36 ans, mais aussi acteur d'un film d'action de 2015, «Mort suspendue».

Le président socialiste Nicolas Maduro, confronté à une vague de manifestations hostiles qui a fait 77 morts depuis début avril, dénonçait depuis des jours l'existence d'un complot pour le renverser.

Mardi soir il a affirmé qu'un hélicoptère de police avait lancé quatre grenades contre le bâtiment de la Cour suprême et tiré quinze coups de feu contre le ministère de l'Intérieur. Dénonçant une «attaque terroriste» visant à fomenter un coup d'État avec le soutien des États-Unis, il a «activé toutes les Forces armées pour défendre l'ordre».

L'auteur toujours recherché

Les vidéos et photos diffusées sur les réseaux sociaux montrent un hélicoptère de la police scientifique en train de survoler Caracas. On entend au loin des détonations, sans voir clairement s'il lance effectivement des grenades sur la Cour suprême.

Dans une vidéo publiée sur internet, Oscar Pérez, visage découvert et accompagné de quatre hommes masqués et pour certains armés, appelle le chef de l'État à «démissionne(r) immédiatement» pour permettre la tenue d'élections générales.

«Nous sommes une coalition de fonctionnaires militaires, policiers et civils (...) contre ce gouvernement transitoire et criminel», affirme-t-il.

Il était toujours activement recherché mercredi après-midi pour cette attaque présumée, qui n'a pas fait de victimes.

Confronté à des manifestations quasi-quotidiennes depuis bientôt trois mois, dans un contexte de violente crise économique, Nicolas Maduro avait averti mardi que si le Venezuela «plongeait dans le chaos et la violence, nous irions au combat».

«Ce qui n'aura pas pu se faire par les votes, nous le ferons avec les armes», avait-il déclaré.

Mercredi, la coalition d'opposition de la Table pour l'Unité démocratique (MUD), majoritaire au Parlement, se voulait prudente.

«Des gens disent que c'est un piège, d'autres disent que (cette attaque) est vraie», a déclaré à la presse Julio Borges, président du Parlement.

«Quoi que ce soit, c'est très grave. Tout cela indique la même chose: la situation est insoutenable au Venezuela», a-t-il ajouté.

Une opération de diversion?

Chaviste dissidente, la procureure générale Luisa Ortega a elle dénoncé le «terrorisme d'État» dans ce pays «où l'on a perdu le droit à manifester, où les manifestations sont cruellement réprimées».

«Nous sommes face à des actes de barbarie, on promeut la violence, on promeut la haine, on incite à l'insurrection armée, ils (le gouvernement) semblent désespérer qu'il y ait un soulèvement militaire ou quelque chose comme ça, qu'il y ait un coup d'État», a-t-elle affirmé.

L'experte en questions de défense Rocio San Miguel ne croit pas qu'«un soulèvement militaire (soit) en train de se produire».

L'analyste Diego Moya-Ocampos, du cabinet britannique IHS, est lui aussi sceptique.

«Il est possible que l'histoire de l'hélicoptère ait été organisée par le gouvernement, pour faire diversion (...) ou provoquer une réaction afin de continuer à purger les forces de l'ordre», a-t-il expliqué à l'AFP, alors que le président Maduro a déjà congédié, la semaine dernière, quatre hauts responsables de l'armée.

La gravité de la situation a poussé la France à réagir mercredi, via son ministère des Affaires étrangères qui «appelle à la cessation immédiate des actions violentes» et plaide pour «une médiation régionale crédible et constructive».

L'Union européenne, à travers sa porte-parole Catherine Ray, a elle appelé «toutes les parties» à mettre fin «de façon urgente à la violence et (à) éviter l'usage de la force».