Le gouvernement mexicain «a spectaculairement échoué» à punir les meurtres de journalistes, ce qui a entraîné le pays dans une spirale d'impunité et augmente les risques pour les reporters, a dénoncé mardi le Comité pour la protection des Journalistes (CPJ).

Dans son rapport intitulé «Pas d'excuse: le Mexique doit briser la spirale de l'impunité en matière d'assassinats de journalistes», l'ONG déplore que le système judiciaire mexicain «soit dysfonctionnel et débordé», ce qui fait que les crimes restent impunis.

Quatre journalistes ont été assassinés depuis le début d'année, après une année 2016 marquée par le chiffre record de 11 reporters exécutés.

Le mois de mars a été particulièrement sombre avec trois journalistes abattus et un autre blessé grièvement. Devant le manque de sécurité, le quotidien Diario Norte, basé à Ciudad Juarez, a cessé de paraître.

Les assassinats de journalistes ont fortement augmenté depuis 2006, année où le gouvernement a déployé l'armée dans le pays pour lutter contre le narcotrafic. Depuis cette date, il se commet entre trois et dix homicides de journalistes par an, selon des chiffres de l'ONG Articulo 19.

Les efforts du gouvernement pour lutter contre cette situation «ont été insuffisants et la lutte pour rétablir la justice a échoué de façon spectaculaire» estime l'organisation.

«Rompre le cycle d'impunité des délits contre la presse est le principal défi auquel fait face le gouvernement», poursuit CPJ dans son rapport.

Au cours de la dernière décennie, un parquet fédéral spécialisé dans les atteintes à la liberté d'expression (FEADLE) a été mis en place ainsi qu'un mécanisme de protection des reporters et activistes des droits de l'Homme. Mais le CJP estime que ces mesures sont insuffisantes.

L'exercice de la profession de journaliste est particulièrement risqué dans l'État de Veracruz (est), où s'affrontent les cartels du Golfe et des Zetas.

Selon le CPJ, au moins six reporters ont péri entre 2010 et 2016 «en représailles directes pour leur travail informatif» dans cet État alors gouverné par Javier Duarte, ex-membre du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) du président Enrique Peña Nieto.

Ce gouverneur a été arrêté le 15 avril au Guatemala où il était en fuite après des accusations de corruption et de liens supposés avec le crime organisé.

Dans son rapport publié en février, Reporters sans frontières (RSF) estime que l'État de Veracruz est le plus dangereux d'Amérique latine pour les journalistes, avec 19 assassinats entre 2000 et 2016.

Le Honduras montré du doigt

Le Commissariat national aux droits de l'Homme du Honduras a également réclamé mardi la fin de l'impunité dans les affaires d'assassinats de journalistes, de patrons et d'employés de presse, dont 69 ont été tués depuis 2001 dans le pays.

Cet organisme, le Conadeh, a demandé aux autorités d'«intensifier les efforts faits pour enquêter et poursuivre les responsables des crimes» commis contre des personnes travaillant pour des médias. «91% des 69 cas enregistrés entre 2001 et 2017 sont impunis», a dénoncé le Conadeh à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse le 3 mai.

Le dernier en date a été la mort du journaliste Igor Padilla, tué par balles en pleine rue dans le nord du Honduras en janvier.

Selon des organisations de défense des droits de l'Homme, le Honduras fait partie des endroits de la planète les plus dangereux pour les journalistes.

L'ONG Reporters sans frontières (RSF) classe le Honduras au 140e rang sur 180 pays. «Le taux d'impunité, dans ce pays gangrené par la violence du crime organisé et par la corruption, est l'un des plus élevés du continent», explique l'ONG. «Les journalistes de la presse d'opposition et des médias communautaires sont régulièrement agressés, menacés de mort ou contraints à l'exil», selon son site internet.

Le taux d'homicides dans ce petit État d'Amérique centrale est un des plus élevé au monde, de 60 pour 100 000 habitants, contre 6,7 pour 100 000 en moyenne au niveau mondial, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).