L'argent serait caché dans les montagnes ou investi à l'étranger : la possible fortune dont pourrait disposer la guérilla colombienne des FARC fait débat dans ce pays qui espère tourner bientôt la page du conflit armé.

C'est un récent article d'un journal britannique, The Economist, qui a déclenché la polémique, au moment même où gouvernement et guérilla semblent plus proches que jamais d'un accord de paix.

Selon l'hebdomadaire financier, citant un document d'analystes du gouvernement colombien, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) détenaient, en 2012, 10,5 milliards de dollars cachés.

Pour différents experts et sources proches de la guérilla marxiste, le chiffre est exagéré. Mais ils ne nient pas qu'en plus d'un demi-siècle de conflit armé - le plus ancien d'Amérique latine -, les FARC ont forcément accumulé un magot.

Et ce dernier, même s'il est d'origine illicite (trafic de drogues, mines clandestines, enlèvements...), pourrait servir dans un prochain accord de paix, par exemple pour indemniser les nombreuses victimes.

Les affirmations du journal ont fait bondir les FARC : «Quelle boulette (l'article de) The Economist. Il devrait vérifier ses sources et ne pas croire en des fables sur des fortunes imaginaires de la rébellion», a écrit sur Twitter Ivan Marquez, chef de la délégation des FARC à La Havane, où se tiennent les pourparlers de paix.

«Aucun être humain ne prend les armes contre un régime injuste pour s'enrichir», a-t-il ajouté.

À l'inverse, le président colombien Juan Manuel Santos a affirmé ne pas avoir le «moindre doute» sur le fait que les FARC détiennent «probablement de l'argent quelque part», indiquant l'avoir cherché sans le trouver.

Pour Gustavo Duncan, chercheur ayant étudié la relation entre les FARC et le narcotrafic, «l'estimation des ressources des FARC sera toujours de la spéculation».

Mais, au-delà du montant exact, pour le gouvernement comme la société colombienne, «ce qui est important c'est la disponibilité de ces ressources dans le cadre de la négociation» de paix.

«Que cet argent serve à indemniser les victimes et non pour grossir des fortunes personnelles» de chefs guérilleros, plaide-t-il auprès de l'AFP.

Pauvres, les FARC ?

Selon les experts, cet argent pourrait aussi bien se trouver caché dans les montagnes de Colombie comme être déjà placé dans des biens à l'étranger.

Mais, estime Frédéric Massé, professeur de l'université Externado, «il serait important que les FARC déclarent ce qu'ils ont, parce que leur position est de dire qu'ils n'ont rien, qu'ils sont pauvres, et cela aussi semble exagéré, car on sait qu'ils vivaient des enlèvements, de l'extorsion et du narcotrafic».

«Plus ils diront la vérité, plus ils gagneront en légitimité à moyen et long terme. S'ils continuent de cacher des secrets et ne disent pas tout ce qu'ils ont, je crois que la population va continuer de penser que les FARC les trompent, d'une certaine manière», ajoute ce spécialiste en conflits et négociations de paix.

Le président Santos a déjà prévenu que si cet argent venait à être découvert, il serait saisi.

Son négociateur auprès des FARC, Sergio Jaramillo, a fait de même : «Si les FARC ont l'idée d'en garder une partie, qui serait évidemment d'origine illégale, l'État va utiliser tous les outils (...) pour le saisir».

Le procureur Jorge Perdomo a précisé cette semaine que, depuis le début des négociations de paix en 2012, il y a «une branche de l'enquête précisément sur le financement» de la guérilla d'extrême gauche.

«Nous avons des informations sur l'investissement et les biens (des FARC) à l'étranger, en Amérique centrale surtout», a-t-il indiqué.

L'ambassadeur américain en Colombie, Kevin Whitaker, a offert la collaboration de son pays «pour chercher toute ressource de la guérilla».

Selon lui, la quête de cet argent est importante, car les FARC «ont fait des victimes et ont la responsabilité de les dédommager».

Les discussions de paix avec la guérilla fondée en 1964 pourraient permettre de tourner définitivement la page d'un conflit qui a officiellement fait 260 000 morts, 45 000 disparus et 6,6 millions de déplacés.