Désormais majoritaire au Parlement vénézuélien, l'opposition a défié d'entrée le pouvoir chaviste en investissant mercredi les trois députés anti-chavistes suspendus par la justice, revendiquant ainsi la majorité des deux tiers qui lui confère de larges pouvoirs.

Avec 112 sièges sur 167, l'opposition passe de la majorité des trois cinquièmes à celle des deux tiers, avec laquelle elle peut convoquer un référendum, mettre en place une assemblée constituante, voire chasser le président Nicolas Maduro via une réduction de la durée de son mandat.

L'opposition s'est donné « six mois » pour faire partir le président de manière constitutionnelle.

Nouveau gouvernement

M. Maduro, qui avait demandé la démission de ses ministres deux jours après la défaite de son parti aux élections du 6 décembre, a nommé un nouveau gouvernement destiné à affronter cette « nouvelle étape de la révolution » face à un « Parlement bourgeois ».

Cette équipe devra résoudre, selon ses termes, la « grave situation économique » et conduire le processus de « rectification et de relance » du chavisme (du nom du président défunt Hugo Chavez, au pouvoir de 1999 à 2013).

La composition du gouvernement montre que M. Maduro parie sur une ligne très à gauche en matière économique, en nommant l'économiste et sociologue Luis Salas comme ministre de l'Économie productive.

M. Salas défend, comme M. Maduro, la théorie selon laquelle une « guerre économique » est conduite par l'opposition et les milieux d'affaires pour provoquer les graves pénuries dont souffre le pays et déstabiliser le gouvernement.

Aux postes clés du Pétrole et Mines, des Affaires étrangères et de la Défense, M. Maduro a choisi de maintenir respectivement Eulogio del Pino, Delcy Rodriguez et Vladimir Padrino.

Le Venezuela, qui possède les plus grandes réserves pétrolières du monde, a vu son économie s'effondrer ces derniers mois au même rythme que les cours du brut. Pénuries au quotidien et inflation galopante (200 % selon les experts) suscitent un mécontentement populaire qui a profité à l'opposition.

M. Maduro a promis de déclarer l'« urgence économique » et de présenter un plan au Parlement.

Il a par ailleurs exprimé son « indignation » face à la décision de la nouvelle majorité de retirer du Parlement toutes les représentations de Hugo Chavez, et certaines du héros de l'indépendance latino-américaine Simon Bolivar.

Il a appelé à « se rebeller face à ces manifestations néofascistes, antibolivariennes, antipatriotiques, antinationalistes ».

« Crise institutionnelle »

Mercredi, la nouvelle Assemblée nationale avait ouvert ses travaux avec l'investiture des trois nouveaux députés de l'opposition, en dépit de la suspension de leur élection par le Tribunal suprême de justice (TSJ).

Le chef de file des députés chavistes et numéro deux du régime, Diosdado Cabello, a refusé de les reconnaître et annoncé un recours devant le TSJ.

« Nous nous retrouvons avec une crise institutionnelle en moins de 24 heures (...). Ce qui sera voté en présence de ces députés sera considéré comme nul », a estimé un député chaviste, Elias Jaua.

Le TSJ, la plus haute autorité judiciaire du pays, sera un acteur clé de la bataille institutionnelle qui s'ouvre entre le Parlement d'opposition et le pouvoir chaviste en place, estiment les analystes. Or, l'opposition estime que le TSJ est acquis au chavisme, qui y a nommé de nouveaux juges fin décembre.

Au Venezuela, le chavisme demeure puissant malgré sa défaite aux élections législatives car il concentre tous les autres pouvoirs : exécutif, armée, justice.

Les élections législatives de décembre ont vu la victoire écrasante de la coalition d'opposition, réunie sous le nom de Table de l'unité démocratique (MUD) et allant de la gauche modérée à la droite dure. Le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), hégémonique depuis 1999, ne compte plus que 55 députés.