Le camp de la présidente brésilienne de gauche Dilma Rousseff a entamé jeudi sa riposte pour tenter de faire échouer la procédure de destitution lancée la veille à son encontre à l'Assemblée.

La présidente a réuni dans l'après-midi l'ensemble de son gouvernement à Brasilia pour mobiliser les ministres des différents partis de sa coalition autour de la « défense de la démocratie et des institutions », a déclaré son chef de cabinet Jacques Wagner.

« La présidente fait preuve de beaucoup d'énergie », a commenté M. Wagner. « Elle est pressée car préoccupée, pas seulement pour son gouvernement mais pour le pays » car ce processus risque de paralyser pendant de longs mois le Brésil au moment où il se débat au milieu d'une sévère récession économique.

Des députés du Parti des travailleurs (PT, gauche) au pouvoir ont par ailleurs déposé trois recours devant le Tribunal suprême fédéral (TSF), réclamant l'annulation de cette procédure à l'issue incertaine, lancée par le président de la Chambre des députés Eduardo Cunha, farouche adversaire de Mme Rousseff.

Le camp présidentiel accuse ce député évangélique d'« abus de pouvoir » et d'avoir détourné son pouvoir institutionnel à des fins purement personnelles.

M. Cunha a déclenché son action contre la présidente quelques heures après que le PT eut annoncé qu'il voterait en faveur de la poursuite de l'enquête disciplinaire le visant devant la commission d'éthique de l'Assemblée.

Accusé de « corruption » et « blanchiment » dans le scandale de corruption Petrobras, M. Cunha est jugé par ses pairs pour avoir dissimulé qu'il était titulaire de comptes secrets en Suisse sur lesquels ont transité des millions de dollars d'origine suspecte. Il risque d'être révoqué de sa fonction et de perdre sa précieuse immunité parlementaire.

L'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva a volé à la rescousse de son héritière politique en défendant sa probité et en fustigeant « l'indécence » d'Eduardo Cunha, lors d'une visite à Rio de Janeiro.

« Le thèse de l'impeachment n'a aucun fondement légal. Le Brésil ne mérite pas cela », a déclaré Lula.

La présidente est accusée par la droite d'avoir sciemment maquillé les comptes de l'État en 2014, année de sa réélection, ainsi qu'en 2015, pour masquer l'ampleur de la récession et des déficits publics du géant émergent d'Amérique latine.

L'opposition ne met pas en doute sa probité personnelle mais estime qu'elle s'est rendue ainsi coupable d'un « crime de responsabilité budgétaire », l'un des motifs constitutionnels pouvant motiver une demande de destitution.

Sauf blocage du processus par la justice, une Commission spéciale de députés devrait être constituée dans les prochains jours. Elle aura ensuite un délai de 15 sessions parlementaires pour voter un rapport préconisant la destitution ou non de Dilma Rousseff.

Ce rapport sera ensuite inscrit à l'ordre du jour de l'assemblée plénière des députés qui devront voter l'éventuelle mise en accusation de la présidente. Deux tiers des voix des députés, soit 342 sur 513, seraient nécessaires pour que le processus se poursuive au Sénat.

« Pays à la dérive » 

La Bourse de Sao Paulo a salué le lancement du processus de destitution, clôturant sur une hausse solide de 3,29 % tandis que le réal s'est revalorisé de 2,29 % face au dollar, coté à 3,74 unités le billet vert.

« L'humeur des investisseurs est sans nul doute meilleure aujourd'hui. Mais cela va être long. Il faudra attendre d'en savoir plus pour voir si cela débouchera sur une hausse forte, continue et consistante des marchés », a déclaré à l'AFP André Leite, économiste de TAG Investimentos à Sao Paulo.

Le Brésil, qui accueillera en août 2016 les Jeux olympiques à Rio de Janeiro, est plongé dans une grave récession économique, alimentée par la crise politique et le scandale Petrobras.

Le PIB brésilien devrait se contracter de plus de 3 % cette année et d'environ 2 % en 2017.

« Le Brésil offre la pire image possible, celle d'un pays sans cap, à la dérive, dont le capitaine a disparu », a commenté pour l'AFP André César, analyste politique indépendant à Brasilia.

« Nous sommes confrontés à une crise économique, politique et éthique dérivée du scandale Petrobras. Dans ce contexte, l'hypothèse d'une destitution prend naturellement force », ajoute l'analyste.