Les Colombiens votent dimanche au premier tour de la présidentielle, un scrutin présenté par le chef de l'État, Juan Manuel Santos, en lice pour un second mandat, comme un référendum en faveur de la paix avec la guérilla marxiste des Farc.

Plus de 32 millions d'électeurs, appelés aux urnes entre 8h00 et 16h00 (9h00 et 17h00 heure du Québec),  doivent décider de reconduire ou non à la tête du pays le président sortant, artisan de pourparlers historiques avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), qui se déroulent en l'absence de cessez-le-feu depuis 18 mois à Cuba.

Issue d'une insurrection paysanne il y a un demi-siècle, la rébellion, qui compte encore selon les autorités près de 8 000 combattants repliés dans les régions rurales, s'est engagée à observer une trêve unilatérale durant les élections, qui sont placées sous la surveillance de 246 000 membres des forces de l'ordre.

Au pouvoir depuis 2010, M. Santos a bâti sa campagne autour d'un slogan très simple, «la guerre ou la paix», affirmant que sa réélection est le meilleur chemin pour résoudre le plus vieux conflit d'Amérique latine, qui a fait plus de 220 000 morts et plus de 5 millions de déplacés.

Selon les sondages, ce dirigeant de centre droit de 62 ans, donné grand favori il y a encore quelques mois, a perdu du terrain devant la montée d'un certain scepticisme et le réveil d'un mécontentement social, traduit par des mouvements de protestation des paysans, des étudiants ou des mineurs.

«Le président Santos a centré de manière évidente l'action de son gouvernement sur les avancées du dialogue de paix à La Havane. Mais en même temps, il a dû affronter une série de problèmes qui ne sont pas récents», explique à l'AFP la politologue Patricia Muñoz Yi, professeur à l'Université Javeriana de Bogota.

Sauf surprise, M. Santos peut s'attendre à être poussé à un second tour le 15 juin, faute d'obtenir la majorité, face à son principal rival, l'ancien ministre de l'Économie, Oscar Zuluaga, 55 ans, chef de file des opposants au dialogue avec les Farc.

«trahison à la patrie»

Les deux hommes, autrefois alliés, devraient devancer les trois autres prétendants, l'ancien maire centriste de Bogota, Enrique Peñalosa, la candidate conservatrice Marta Lucia Ramirez et celle de la gauche, Clara Lopez, qui ont tenté en vain d'orienter les débats sur les questions sociales.

Les thèmes de la santé, de l'éducation ou de la pauvreté, qui touche un tiers des 47 millions de Colombiens, malgré une forte croissance (plus de 4%), ont été éclipsés durant la campagne, marquée surtout par des scandales de corruption et d'espionnage, ainsi que des échanges polémiques sur le processus de paix.

M. Santos, dont le gouvernement a impulsé une loi de réparation pour les victimes, a insisté sur les acquis des négociations, avec des préaccords sur la nécessité d'une réforme rurale, ainsi que la participation des ex-rebelles à la vie politique et la lutte contre le trafic de drogue.

En revanche, M. Zuluaga a promis de prononcer la «suspension temporaire» des pourparlers, synonyme d'«impunité» selon lui,  et d'adresser un ultimatum à la guérilla qu'il qualifie de «plus grand cartel de narcos au monde».

Sa candidature bénéficie notamment du soutien de poids de l'ancien président Alvaro Uribe (2002-2010), ancien mentor de M. Santos qui fut son ministre de la Défense à l'époque de la guerre sans merci contre les Farc.

Toujours très populaire, M. Uribe n'a cessé d'accuser son prédécesseur de «trahison à la patrie» pour avoir ouvert un dialogue avec la guérilla.