Le dialogue inédit amorcé la semaine dernière au Venezuela entre gouvernement et opposition devait reprendre mardi mais les observateurs doutaient de ses chances d'aboutir alors que la population s'inquiète de la persistance d'une crise économique aigüe.

Après des semaines d'atermoiements et plus de deux mois de manifestations contre le gouvernement ayant fait 41 morts, le dialogue avait été ouvert jeudi dernier entre le président socialiste Nicolas Maduro et les chefs de file de l'opposition.

Toutefois, contrairement à la précédente session, diffusée par les médias publics, la réunion de mardi s'est tenue à huis clos et en l'absence du président Maduro et de son principal opposant, le gouverneur Henrique Capriles.

Le vice-président du Venezuela, Jorge Arreaza, et le secrétaire exécutif de la coalition d'opposition de la Table de l'unité démocratique (MUD), Ramon Guillermo Aveledo, ont été chargés de représenter leurs camps pour ces discussions au siège de la vice-présidence.

Les manifestations qui secouent le pays depuis le 4 février, à l'initiative d'étudiants puis relayées par l'opposition, ont fait plus de 600 blessés et mené 175 personnes en prison, dont deux maires et le dirigeant d'un parti d'opposition.

Visant d'abord l'insécurité galopante dans ce pays, la vague de protestation anti-gouvernementale a progressivement élargi ses revendications au coût de la vie et aux pénuries. L'intensité de la mobilisation a décru ces dernières semaines, mais des foyers épars de violence persistent dans plusieurs villes du pays en marge de l'ouverture de ce dialogue.

Désaccord sur une loi d'amnistie 

La MUD, qui regroupe aussi bien des partis de droite modérée que des conservateurs radicaux ou d'anciens «chavistes» - le nom donné aux partisans du modèle promu par l'ex-président décédé Hugo Chavez (1998-2013) - entend à nouveau réclamer mardi une «loi d'amnistie» pour les personnes arrêtées en marge des manifestations.

«S'il y a des faits et des signaux, le peuple peut croire dans le dialogue. Je crois que ces jours saints (Pâques) sont propices à la libération des prisonniers politiques. Un autre signal serait le désarmement des groupes paramilitaires (supposément proches du pouvoir, NDLR) et que justice soit rendue en ce qui concerne les cas de tortures et de répression» par les forces de l'ordre, avait plaidé lundi Henrique Capriles.

Cette requête a plusieurs fois rejetée par le président Maduro, qui a averti qu'il n'y aurait pas «d'impunité». Une prise de position qui fait craindre aux experts une impasse dans les discussions.

«Il n'y aura pas de dialogue tant que ne sera pas résolue la question des prisonniers politiques», a écrit mardi sur son compte Twitter l'analyste politique Luis Vicente Leon.

«Le succès du dialogue dépend fondamentalement des mesures adoptées par M. Maduro. Le jeu se bloque ou se débloque avec lui», a ajouté le directeur de l'institut Datanalisis.

«Grande offensive» à venir

Mardi, un sondage de l'institut Hinterlaces a révélé que le dialogue était soutenu par 90% de la population, mais 54% seulement des personnes interrogées estimaient que cela contribuera à résoudre les problèmes du riche pays pétrolier.

En tête des préoccupations de la population, figurent l'insécurité galopante et la crise économique.

Mais si l'insécurité, déclencheur du mouvement actuel, était mentionnée il y a un an comme le problème numéro un du pays par 57% de la population, selon Datanalisis, aujourd'hui, c'est la situation économique qui figure au premier rang, citée par 48,4% des personnes interrogées dans une autre enquête publiée mardi.

«La problématique économique est beaucoup plus prégnante que la délinquance, car celle-ci n'est qu'une probabilité, alors que l'appauvrissement est une réalité à laquelle celui qui en souffre ne peut échapper à aucun moment», selon les commentaires accompagnant cette étude.

Malgré ses réserves de pétrole - les plus importantes de la planète - le pays affiche une inflation annuelle de plus de 57%, alimentée par des pénuries croissantes.

Selon Datanalisis, plus de la moitié des 18 produits de base dont les prix sont contrôlés étaient absents des rayons dans les commerces au premier trimestre, soit «la pire crise en matière d'approvisionnement» depuis 2008, selon M. Leon.

En réponse à ces préoccupations, le président Maduro a annoncé mardi le lancement prochain d'un «Plan pour l'approvisionnement complet», une initiative qu'il a qualifiée de «grande offensive économique». Dans un discours retransmis par la télévision publique VTV, il s'est engagé «à vaincre l'inflation», ainsi qu'à «promouvoir les prix justes» et une réforme fiscale prévoyant une meilleure répartition de l'impôt.