Des agriculteurs et commerçants portant des gilets pare-balles, armés de fusils d'assaut ou revolvers, patrouillent dans une camionnette portant la banderole «autodéfense» pour protéger une bourgade de l'ouest du Mexique contre le cartel de narcotrafiquants des Chevaliers Templiers.

Dans l'État du Michoacan, où sont déployés depuis lundi des milliers de soldats et policiers fédéraux  pour faire face à la violence endémique, des «groupes d'autodéfense» refusent de désarmer tant que l'État n'aura pas anéanti les groupes criminels qui les rançonnent et les menacent.

«Nous ne baisserons pas la garde tant que nous ne verrons pas de résultats», affirme à l'AFP Antonio Rodriguez, exploitant agricole de 37 ans et membre de la garde communautaire.

Coalcoman, 10 000 habitants, a été la dernière localité de la zone de Tierra Caliente à former un groupe d'autodéfense après bien d'autres municipalités ayant pris les armes depuis le début de l'année.

Il y a une semaine, les habitants avaient envahi la place de la mairie en soutien à 200 citoyens décidés à faire face au cartel des Chevaliers Templiers. «Nous en avons assez de payer le "quota"», l'impôt exigé par ce groupe criminel, lance Adriana, employée de pharmacie de 32 ans.

Ce «quota» est exigé chaque semaine ou chaque mois, aux entrepreneurs, agriculteurs et même aux maires des villages. «Celui qui ne payait pas, ils l'enlevaient et puis, +poum-poum+, ils le tuaient», raconte Adriana.

Au cours des derniers mois, les groupes d'autodéfense ont arrêté des collaborateurs présumés des cartels et affronté les narcotrafiquants. Ces derniers, en représailles, ont assiégé des villages pendant plusieurs semaines, empêchant l'approvisionnement alimentaire.

Devant cette situation, le gouvernement mexicain a décidé de lancer une vaste opération, sous l'autorité de l'armée, et de la maintenir «jusqu'à ce que le Michoacan retrouve la paix».

«Qu'ils désarment d'abord (les acteurs du) crime organisé, et ensuite seulement le peuple», clame un jeune vêtu d'un gilet pare-balle et arborant la mention «Groupe d'autodéfense» dans le dos.

Lors d'une patrouille dans la nuit de lundi à mardi, des gardes communautaires ont arrêté un homme accusé d'être un voleur. Menotté, frappé, l'homme a été présenté, en sang, sur la place de Coalcoman à la vue de tous, et notamment de dizaines de policiers fédéraux arrivés la veille.

«Bienvenue à Buenavista, territoire libéré des Chevaliers Templiers».

A l'entrée d'un autre village, une banderole «Bienvenus au village de Buenavista, libéré des "quotas" et des Chevaliers Templiers» a été accrochée. Arrêt obligatoire au poste de contrôle de la garde communautaire.

Armés, et pour la plupart le visage masqué, les miliciens assurent que la zone est sûre grâce à eux, mais sont sceptiques quant à l'action de l'État fédéral face au cartel.

«S'ils veulent, nous on peut les emmener au village où ils se cachent, dans leur repaire, leur rue ou leur baraque», affirme l'un d'eux aux journalistes.

De leur côté, les Chevaliers Templiers accusent les groupes d'autodéfense d'être liés à un cartel rival, «Nouvelle génération». Le ministre de la Défense, le général Salvador Cienfuegos, a également laissé entendre que certains d'entre eux étaient financés par des groupes criminels.

Au poste de contrôle, les hommes armés se sont retranchés derrière un autel construit à l'origine par les Chevaliers Templiers en l'honneur de leur chef Nazario Morena, alias «El Chayo», abattu en 2010 lors d'un affrontement avec les forces de sécurité.

L'autel, portant des traces de balles, conserve une croix rouge, symbole des Templiers, avec l'inscription «Saint Nazario».

Nés d'une scission avec un autre cartel du Michoacan, la Familia, les Templiers obligent leurs membres au respect d'un code d'honneur teinté de mysticisme et de religiosité.

La route à lacets de Coalcoman à Buenavista est parsemée des restes calcinés de voitures et cars ayant servi aux Templiers pour les camions d'alimentation, de médicaments et autres produits de base. Elle a été rouverte à la circulation.

«Nous allons cueillir le citron, mais on y va avec la peur. Ce n'est pas juste, qu'ils en finissent avec cette histoire», réclame Maria, mère de famille de huit enfants à Buenavista.