L'opposition vénézuélienne a contesté jeudi le résultat de la présidentielle du 14 avril devant le Tribunal suprême de justice (TSJ, cour suprême), dans un climat politique qui demeure délétère deux jours après une bagarre survenue au Parlement entre députés de la majorité et de l'opposition.

Un recours pour «corruption, violence et fraude» ayant accompagné le processus électoral a été déposé, a annoncé à la presse Ramon Jose Medina, de la Table de l'unité démocratique (MUD), la principale coalition de l'opposition vénézuélienne.

L'opposition conteste l'élection de Nicolas Maduro, héritier du défunt président Hugo Chavez et qui a été proclamé vainqueur par le Conseil national électoral (CNE) avec une faible avance sur l'opposant Henrique Capriles.

Convaincu que le scrutin a été faussé par de nombreuses fraudes, M. Capriles, gouverneur de l'État de Miranda (nord), a répété mercredi que l'opposition envisageait d'épuiser tous les recours légaux possibles au Venezuela.

Mais «nous n'avons aucun doute sur le fait que ce dossier va se retrouver devant la communauté internationale», il sera communiqué «à tous les pays où la démocratie existe», a-t-il prédit.

Jeudi, les opposants ont introduit leur recours sans attendre les résultats de l'audit partiel entamé lundi à leur demande par le CNE, mais dont la MUD rejette les modalités.

M. Capriles a estimé que cet audit resterait une «farce» sans une révision des listes électorales.

Ce nouveau recours intervient deux jours après une rixe ayant opposé au parlement députés de la majorité et de l'opposition, illustrant les tensions politiques qui agitent le pays depuis la présidentielle du 14 avril convoquée après le décès le 5 mars d'Hugo Chavez, arrivé à la tête de l'État en 1999.

Mardi, les parlementaires en sont venus aux mains après le vote par la majorité d'un texte interdisant à l'opposition de s'exprimer dans l'hémicycle, en représailles à son refus de reconnaître la victoire de Nicolas Maduro.

Les deux camps de sont renvoyés la responsabilité de la bagarre, et le député de droite Julio Borges était apparu le visage ensanglanté et un oeil tuméfié sur la chaîne de télévision privée Globovision, témoignant de la brutalité de l'altercation.

Capriles : un «bourgeois pleurnichard», selon Maduro

Jeudi, Henrique Capriles a expliqué qu'il n'écartait pas de demander l'organisation d'un référendum pour révoquer les députés chavistes.

«Il est clair que cette assemblée nationale ne représente pas la réalité politique de ce pays», a-t-il affirmé lors d'une conférence de presse dont la retransmission télévisée a été interrompue par une allocution du président Maduro.

Ce genre de référendum «révocatoire» est prévu par la constitution à condition que les députés aient effectué au moins la moitié de leur mandat, et que 20% des électeurs y soient favorables.

Le lancement de la procédure devra toutefois être approuvé à la majorité au sein de la MUD, a reconnu le chef de l'opposition.

L'annonce des résultats du scrutin du 14 avril, remportée avec une avance de 1,49% des voix par M. Maduro, avait déjà été suivie de violences entre partisans des deux camps, qui selon le gouvernement avaient fait neuf morts et 78 blessés.

Depuis, les invectives se multiplient entre représentants du pouvoir et de l'opposition, qui a notamment dénoncé une «persécution politique» après l'arrestation samedi du général à la retraite Antonio Rivero, membre du parti d'opposition Volonté populaire, accusé par les autorités d'être impliqué dans les violences postélectorales.

Mercredi, M. Maduro a qualifié son principal opposant de «fasciste» et de «bourgeois pleurnichard» et l'a appelé à «reconnaitre (sa) défaite», à l'occasion d'un rassemblement pour le 1er mai à Caracas.

Aux yeux du secrétaire général de l'Organisation des États américains (OEA) Jose Miguel Insulza, le pugilat de mardi «reflète de manière dramatique l'absence d'un dialogue politique qui pourrait apporter de la tranquillité (...) pour régler, dans un climat de paix entre tous les Vénézuéliens, les différends en cours dans ce pays».

Ces commentaires, publiés mercredi, ont déplu à Caracas, et le ministère vénézuélien des Affaires étrangères a «rejeté» jeudi des «déclarations démesurées et interventionnistes».

Caracas a même vu l'influence «du Département d'État et la Maison-Blanche» dans ces propos, s'arc-boutant sur une ligne défensive vis-à-vis de Washington, comme à l'époque d'Hugo Chavez.

Pourtant, si les États-Unis ont condamné mercredi la bagarre de la veille au Parlement par la voix du porte-parole adjoint du département d'État Patrick Ventrell, ils ont réaffirmé leur volonté de travailler avec Nicolas Maduro. En outre, Washington a assuré ces dernières semaines ne pas envisager de sanctions contre Caracas après cette élection contestée.