La tension a monté d'un cran hier à Caracas, lorsque des centaines de manifestants anti-Chavez sont descendus dans la rue pour réclamer des preuves que leur président est toujours vivant et aux commandes du pays.

«Nous voulons la vérité», «Chavez, où es-tu?», scandait la foule. D'autres brandissaient des pancartes arborant un message sans équivoque: «Non à l'influence de Cuba».

Dispersés à travers la foule, des jeunes munis de pelotes de corde synthétique attachaient les poignets de manifestants en guise d'appui à la cinquantaine d'étudiants enchaînés les uns aux autres depuis mardi en plein milieu d'une rue du quartier Chacao.

«Ce que nous voulons savoir, dit l'étudiante Ana Karina Garcia, c'est si le président, qui a été élu le 7 octobre 2012 et qui n'a pas encore prêté serment, peut ou ne peut pas gouverner.»

La dernière fois que les Vénézuéliens ont vu leur président, c'est il y a presque trois mois, alors qu'Hugo Chavez retournait à Cuba pour subir une quatrième opération pour un cancer dans la région pelvienne.

Trop souffrant pour prêter serment le 10 janvier, comme le prévoit la Constitution, El Commandante a obtenu du tribunal suprême de justice que la cérémonie ait lieu à une date ultérieure.

Hugo Chavez est rentré au Venezuela en catimini le 18 février et serait soigné dans un hôpital militaire de Caracas.

Au cours des derniers jours, sous la pression populaire, le numéro deux du gouvernement, Nicolas Maduro, a affirmé qu'Hugo Chavez respirait toujours par intubation trachéale, qu'il était incapable de parler, mais qu'il avait repris ses traitements de chimiothérapie et qu'il continuait de diriger le pays par notes manuscrites.

«Il est apte à gouverner, mais il est incapable de se montrer à la fenêtre, ne serait-ce que pour dire au peuple: «Voilà, je suis là!»», ironise l'étudiant Donato Tricaste, lui-même incapable de bouger en raison des chaînes qui le retiennent.

Tout autour de lui, des dizaines de pancartes et de casquettes arborant le message «Je suis le Venezuela» s'ajoutent, au fur et à mesure que les manifestants viennent se joindre aux étudiants enchaînés, initiateurs de ce mouvement de protestation.

Un contraste avec les pancartes «Je suis Chavez» que brandissent des centaines d'étudiants chavistes, réunis au même moment sur la Plaza O'Leary, à quelques rues du palais présidentiel, pour un rassemblement d'appui à leur président.

Vêtus des fameux chandails rouges du parti socialiste, les jeunes dansent et chantent leurs louanges à l'homme fort du Venezuela.

«Nous n'avons pas perdu espoir, s'exclame Isbet Arocha. Nous croyons que Dieu va le guérir et qu'il sera notre président pour encore longtemps.»

Si Hugo Chavez mourait ou démissionnait par incapacité de gouverner, une élection présidentielle devra être organisée dans les 30 jours.

Le vice-président Nicolas Maduro affronterait vraisemblablement Henrique Capriles, lui-même défait par Hugo Chavez en octobre dernier.

L'opposition croit-elle aussi que le gouvernement ment sur l'état de santé du président en faisant croire qu'il est apte à gouverner pour gagner du temps?

«Nous aurons des élections présidentielles dans notre pays, c'est une réalité», a déclaré la députée de l'opposition Maria Corina Machado devant les caméras de télévision, avec une poignée d'étudiants enchaînés planqués derrière elle en guise de décor.

«Quoi qu'en dise le gouvernement cubain à travers leurs marionnettes vénézuéliennes.»

À en croire le Vénézuélien modéré, le mystère entourant l'état de santé réel d'Hugo Chavez est en train de diviser encore davantage un pays déjà polarisé, où l'on craint maintenant des affrontements.

Vêtue de son habit blanc, croix du Christ au cou, la coiffe recouverte d'une casquette aux couleurs du Venezuela, soeur Maria Ramirez Garcia Esperenza se tient en retrait de la manifestation, l'air découragé.

«Je n'appartiens à aucun parti, dit la religieuse salésienne, mais les étudiants nous ont appelés pour cette manifestation parce que nous voulons un pays pour tout le monde. Notre vice-président depuis peu nous insulte quotidiennement et cette situation d'incertitude ne peut pas continuer.»

PHOTO LEO RAMIREZ, AFP

Des partisans d'Hugo Chavez ont également manifesté dans la capitale vénézuélienne, le 3 mars, pour lui témoigner leur soutien.