Le président Hugo Chavez est en «phase terminale», a rapporté hier un journal vénézuélien. Les citoyens en ont marre d'être tenus dans l'ignorance au sujet de l'état de santé de leur dirigeant, rapporte notre nouveau correspondant en Amérique du Sud, Serge Boire.

Sur la Plaza La Candelaria, à une dizaine de rues du palais présidentiel de Miraflores, la vie suit son cours normal en ce dimanche nuageux.

Malgré les inquiétudes concernant l'état de santé de leur président, un groupe d'environ 200 personnes fait de l'aérobie en plein air sur une chanson de Rihanna, que crachent de puissants haut-parleurs. D'autres sont absorbés par la lecture du journal El Nacional, que s'arrachent plusieurs Vénézuéliens aux kiosques à journaux. «Chavez est en phase terminale et c'est irréversible», titre le journal en une.

À quelques centaines de mètres de là, à l'intérieur d'une église pleine à craquer, le prêtre hurle son homélie dans une chaîne stéréo d'une autre époque, tentant tant bien que mal d'enterrer la musique de Rihanna. «Seigneur, nous te prions tout spécialement aujourd'hui de veiller au rétablissement de notre président, Hugo Rafael Chavez», implore le curé.

Les fidèles hochent de la tête, les bras en croix, levés vers le ciel. À l'arrière, des dizaines d'entre eux font la file, cierge à la main, attendant leur tour pour l'allumer et se recueillir devant les statues du Christ.

Un silence «agaçant»

Sur le parvis de l'église, Maria Teresa Moraltes exprime ce que semblent penser beaucoup de Vénézuéliens ces jours-ci. «J'ai prié pour sa santé, pour l'homme, mais on ne nous dit pas grand-chose. On n'a aucune idée de son état réel et ça commence à être agaçant», dit-elle.

Samedi, des centaines d'opposants à la révolution bolivarienne d'Hugo Chavez ont manifesté dans les rues de Caracas, justement pour exiger la vérité sur le diagnostic et l'état de santé réel du président.

Hugo Chavez a fait une rentrée-surprise au Venezuela lundi dernier, à l'abri des caméras, après avoir passé plus de deux mois à Cuba pour se remettre d'une quatrième opération pour un cancer dans la région pelvienne.

Il est depuis hospitalisé dans un hôpital militaire de Caracas.

El Commandante a subi une trachéotomie et respire à l'aide d'un tube qui l'empêche de parler. L'équipe médicale cubaine qui l'aurait suivi à Caracas tente d'enrayer l'infection pulmonaire.

Tendance défavorable

Mais l'inquiétude générale a monté d'un cran jeudi, après que le ministre des Communications et de l'Information du Venezuela eut révélé à la télévision nationale que l'état de santé du président était inquiétant.

«L'insuffisance respiratoire qui est apparue après l'opération persiste et la tendance n'est pas favorable», a affirmé Enersto Villegas Poljak.

C'était la première fois que l'entourage du président admettait que les choses n'allaient pas bien, après avoir passé les 10 dernières semaines à se faire rassurant.

Dès le lendemain, par contre, le numéro deux du pouvoir vénézuélien, Nicolas Maduro, a affirmé au sortir de l'hôpital militaire qu'il venait de passer cinq heures en réunion avec Hugo Chavez, que ce dernier était toujours capable de gouverner et qu'il transmettait ses ordres par écrit.

Dans le taxi de retour de l'hôpital militaire, où une poignée de journalistes faisaient le pied de grue hier, le chauffeur, questionné par La Presse, a fini par se vider le coeur.

«Je suis un partisan d'Hugo Chavez, mais qu'on ne me prenne pas pour un imbécile», a lancé Leonardo. «Notre économie va mal, notre devise vient encore d'être dévaluée et on essaie de nous faire croire qu'Hugo Chavez est aux commandes. Je n'y crois pas et il est temps maintenant qu'on nous dise la vérité».

PHOTO ARIANA CUBILLOS, AP

Une partisane du Comandante prie pour que Chavez se rétablisse, à Caracas, le 22 février.