Une série de mesures adoptées par la présidente argentine Cristina Kirchner depuis son deuxième mandat font écho à la politique d'Hugo Chávez.

«Bravo Cristina, tu es sur la bonne voie! Maintenant, je vais t'apprendre à exproprier!»

Devant un public hilare, un imitateur d'Hugo Chávez offrait récemment une leçon de socialisme à une actrice personnifiant Cristina Kirchner. Cette parodie, diffusée lors d'une populaire émission de la télévision argentine, relaye une comparaison de plus en plus fréquente dans le pays entre la politique de la présidente et celle du leader vénézuélien. Alors que ce dernier brigue un nouveau mandat en octobre, l'avenir du «chavisme» se jouerait-il aussi en Argentine?

Le parallèle peut sembler risqué tant les différences culturelles et structurelles sont fortes entre les deux pays. Et il n'est pas neutre: les secteurs opposés à l'intervention de l'État ont davantage tendance à agiter le chiffon rouge de la révolution bolivarienne. Mais depuis la réélection de Cristina Kirchner en octobre 2011, il est vrai qu'une série de mesures, principalement économiques, font écho à la politique vénézuélienne.

La plus emblématique est l'expropriation en avril de l'entreprise pétrolière espagnole Repsol. Accusée de ne pas avoir réalisé assez d'investissements en Argentine, la firme est chassée en quelques jours. L'Espagne crie au scandale, soutenue par l'Union européenne. En face, Cristina Kirchner défend la «souveraineté énergétique», avec les félicitations d'Hugo Chávez, qui a de l'avance en matière de nationalisations.

Surtout, l'Argentine a introduit un strict contrôle des changes, comme le Venezuela en 2003. En quelques mois, il est devenu presque impossible d'obtenir des dollars, même pour voyager. Et depuis quelques semaines, les achats par carte bancaire à l'étranger ou sur l'internet sont taxés. Des mesures destinées à lutter contre la fuite des capitaux, mais qui permettent aussi d'équilibrer les réserves d'un pays en manque de liquidités.

Ces restrictions touchent surtout la classe aisée, qui économise - en dollars - pour se prémunir des crises et dévaluations à répétition. En revanche, elles suscitent un sentiment de contrôle et de panique accru dans l'opinion. Résultat, le dollar se vend à des prix kafkaïens sur un marché noir en plein boom, comme à Caracas.

Autre point commun, Cristina Kirchner a créé «un levier de croissance» inédit en Amérique latine excepté en République bolivarienne: une réforme des statuts de la Banque centrale permet de puiser dans ses réserves. «Sans limite», redoute l'opposition. Dans le même temps: l'inflation s'envole, à plus de 25 % par an selon les analystes indépendants, dépassant celle du Venezuela, jusqu'ici numéro un du continent.

Autoritaire

Sur la forme, la présidente se montre enfin plus autoritaire depuis le début de son second mandat. «Il ne faut craindre personne, sauf Dieu... et un peu moi», a-t-elle lancé il y a deux semaines devant un parterre d'industriels.

Son humour n'est pas du goût de tous: comme Hugo Chávez, Cristina Kirchner divise profondément la société et les médias. Ses discours sur la chaîne publique suscitent haine ou euphorie. Si elle ne possède pas son propre programme comme le leader socialiste, elle cumule déjà 16 heures d'antenne publique depuis janvier, a calculé le journal d'opposition Clarin.

Plus dirigiste, plus nationaliste, le style Kirchner évoque davantage le «chavisme», même si la présidente se dit d'abord fidèle au péronisme, un mouvement populiste né sous le général Perón dans les années 40... dont le commandant Chavez se réclame lui aussi. L'avenir dira si ces échos latinos perdureront après l'élection vénézuélienne du 7 octobre.