Le terrain haïtien est fertile aux rumeurs et à la surenchère. À l'approche du deuxième anniversaire du violent séisme qui a ravagé le pays, notre collaborateur déboulonne quatre des mythes les plus souvent véhiculés sur Haïti.

L'insécurité est galopante en Haïti.

Le problème d'insécurité n'est pas aussi criant qu'on pourrait le croire dans la capitale, même s'il est bien réel. Des quelque 700 assassinats enregistrés chaque année au pays, la très grande majorité survient à Port-au-Prince. La dizaine de meurtres par 100 000 habitants répertoriés annuellement, en légère baisse depuis cinq ans, place Haïti au 18e rang dans les Antilles, selon le dernier rapport de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODOC), ex aequo avec la Martinique et la Guadeloupe et loin derrière les Bahamas et la Jamaïque.

«La République dominicaine voisine, avec ses 25 meurtres par 100 000 habitants, devrait davantage apeurer les vacanciers qu'Haïti», s'amuse Isabelle Fortin, chercheuse québécoise sur les questions de sécurité publique et de droits de la personne en Haïti. Le nombre d'enlèvements n'a pas explosé non plus depuis le séisme du 12 janvier 2010, et le taux par habitant est bien inférieur à celui du Brésil et du Mexique. En revanche, l'impunité dont jouit la majorité des criminels est réelle.

Il y a une épidémie de viols depuis le séisme.

L'augmentation fulgurante du nombre de viols en Haïti, claironnée par des journaux comme le New York Times, est exagérée, voire fausse. «Nous n'avons même pas toutes les données pour pouvoir affirmer de manière absolue qu'il y a eu augmentation de viols», affirme la sociologue et militante féministe Danièle Magloire.

La nouvelle réalité des camps a certainement rendu les femmes plus vulnérables, reconnaît-elle. Mais le nombre de cas de viols signalés par Médecins sans frontières et les deux centres d'hébergement de Port-au-Prince reste à peu près stable. Cela dit, le peu de confiance à l'égard du système de justice pousse encore souvent les victimes d'actes de violence à garder le silence.

La famine pousse les Haïtiens à manger des galettes de boue.

Certains mangent de petites galettes d'argile en Haïti depuis longtemps. Et pas nécessairement parce qu'ils n'ont rien d'autre à se mettre sous la dent. L'argile en question est extraite d'une région du Nord et connue pour son apport en minéraux.

«Quand j'étais enceinte, j'en mangeais tout le temps», raconte Carole, marchande au Champ-de-Mars, à Port-au-Prince. Les galettes sont un supplément alimentaire, disent les vendeurs de rue. Le climat des Antilles n'est pas propice aux sécheresses et aux grandes famines, mais le manque de variété alimentaire peut causer la malnutrition, la mortalité infantile ou des maladies chroniques.

L'argent de la reconstruction a disparu.

L'argent n'a pas disparu, mais les sommes demeurent insuffisantes et leur administration coûte cher. Deux ans après le séisme, à peine la moitié du financement humanitaire de 5,6 milliards de dollars a été décaissé. «La marginalisation des entreprises et des organisations haïtiennes est probablement l'élément le plus inquiétant dans les projets de reconstruction et de développement en ce moment», affirme l'économiste Camille Chalmers.