L'opposition jamaïcaine, dirigée par Portia Simpson Miller, a largement remporté jeudi les élections législatives quatre ans après sa défaite en 2007, mais la future chef du gouvernement va devoir s'attaquer à une situation économique délicate.

«Bienvenue dans une nouvelle Jamaïque, une Jamaïque unie et qui va de l'avant», a déclaré cette femme de 66 ans, émue aux larmes par une foule venue scander son prénom. «Nous travaillerons afin de faire progresser le pays, en termes de croissance, de développement et de création d'emploi», a-t-elle promis.

Avec 41 sièges au Parlement, soit les deux tiers du total, le Parti national populaire (PNP) de Mme Mille, a contre toute attente largement défait les travaillistes sortants du JLP. Mais la première femme élue à la tête de la Jamaïque hérite d'un pays dans une situation économique alarmante avec un endettement à hauteur de 18,6 milliards de dollars, soit un tiers de son PIB.

«La première des priorités pour le parti sera de renégocier immédiatement l'accord entre le pays et le Fonds monétaire international», déclare à l'AFP le politologue Richard Crawford. Premier des 18 points du programme du PNP, cette renégociation doit permettre à l'île des Caraïbes d'étendre la durée de remboursement d'un prêt de 1,27 milliard de dollars accordé en 2010.

Les deux principaux maux du pays, l'économie en berne et la corruption, ont été placés au coeur du programme du parti vainqueur. Le PNP espère combattre le chômage, qui a frôlé les 13% en 2010, et touche 60% des jeunes dans certains quartiers populaires de la capitale, comme Trench Town.

Selon un rapport du FMI, près d'un Jamaïcain sur deux (43%) vit sous le seuil de pauvreté avec moins de 2,50 dollars par jour.

«Concernant la corruption, qui gangrène la Jamaïque, le PNP doit absolument engager un procureur pour combattre ce fléau», ajoute Richard Crawford. «Aujourd'hui, l'île ne dispose que d'un observateur qui n'a aucun pouvoir», regrette-t-il.

Andrew Holness, candidat travailliste et premier ministre sortant, a salué la victoire du parti populaire, espérant que le PNP fasse «un bon travail pour le pays».

La défaite est sévère pour le parti travailliste, qui paie sa gestion de l'extradition du baron présumé de la drogue Christopher «Dudus» Coke vers les États-Unis en mai 2010 par l'ancien Premier ministre Bruce Golding. La démission de ce dernier en septembre avait provoqué ces élections anticipées, prévues théoriquement en septembre 2012.

La traque de «Dudus» par les autorités jamaïcaines avait provoqué de violents affrontements à Kingston entre forces de l'ordre et partisans de «Dudus», qui avaient fait au moins 76 morts, obligeant le gouvernement à proclamer l'état d'urgence.

Plusieurs membres du gouvernement sortant ont perdu leur siège au parlement, dont le contreversé Dwight Nelson, ministre de la Sécurité qui avait conduit l'assaut des quartiers populaires de Kingston en mai 2010. «Il est certain que cet épisode a coûté la défaite au JLP», a concédé devant la presse Karl Samuda, directeur de la campagne travailliste.

Les 28 observateurs venus de 16 pays ont salué une élection «sans violence», a rapporté Lisa Shoman, envoyée sur place par l'Organisation des États américains (OEA).

Sur le plan constitutionnel, Mme Miller et le PNP se sont engagés à faire de la Jamaïque une république et de couper ainsi les ponts avec le Royaume-Uni, l'ancienne puissance coloniale. Richard Crawford prévoit cette émancipation au 50e anniversaire de l'indépendance de l'île, en août prochain.