Une réforme des lois d'émigration, que les Cubains espèrent voir annoncée vendredi par le président Raul Castro, devrait mettre fin à de nombreuses restrictions de voyage et au concept d'«émigration définitive» en place à Cuba depuis plus d'un demi-siècle.

Une telle réforme doit constituer «une contribution à l'amélioration des liens de la nation avec la communauté des immigrés», avait souligné Raul Castro lui-même, le 1er août, en indiquant que cette réforme était en préparation pour en «terminer avec des restrictions non nécessaires».

Parmi les principales mesures qui devraient être adoptées, figurent notamment la disparition des permis de sortie et d'entrée dans l'île et le concept d'émigration «définitive» qui impliquait la confiscation par l'État de tous les biens de l'émigré et l'impossibilité du retour à Cuba.

L'abrogation du permis de sortie de l'île est une des demandes essentielles de la population cubaine en général, de l'Église catholique aux intellectuels, et de l'opposition.

Délivré à discrétion, ce permis a une validité de trente jours, renouvelable dix fois et peut-être refusé sans explication.

À l'issue de sa validité, si le titulaire n'est pas revenu, il est déclaré «déserteur» et perd toute possibilité de retour. Tous ses biens sont alors confisqués par l'État.

Selon les mesures préparées, le séjour hors de Cuba serait prolongé de 11 mois à deux ans, renouvelables, avec une possibilité de retour, ce qui éliminerait de fait la condition d'émigré «définitif».

L'ouverture des marchés automobile et immobilier cet automne, qui permettent aux Cubains de vendre leurs voitures et leur logement pour la première fois depuis un demi-siècle, a également implicitement éliminé les risques de saisies pour les candidats au départ de l'île.

Dans l'autre sens, les émigrés qui ont acquis une autre nationalité doivent actuellement venir à Cuba avec un passeport cubain et une autorisation spéciale qui peut également être refusée sans explication.

«Une normalisation des relations de Cuba avec l'émigration passe par une élimination de tous les aspects répressifs, du permis de sortie, celui d'entrée, de la saisie des biens», estimait l'universitaire Jesus Arboleya, dans un récent entretien publié par la revue catholique Espacio Laical.

Un des principaux obstacles à la réforme de l'émigration est «la préservation du capital humain créé par la révolution», avait souligné le président Raul Castro en référence aux professionnels, notamment de la santé, formés à Cuba et qui devraient continuer d'être soumis à des autorisations de voyager.

Les médecins cubains avaient émigré en masse durant les premiers mois de la révolution. Il n'en restait que 3000 au début des années soixante. Ils sont aujourd'hui plus de 76 000 et l'exportation de leurs services est la première source de rentrée de devises pour le pays, avec quelque 6 milliards de dollars par an.

Pour une population de 11,2 millions d'habitants, Cuba compte plus d'un million de diplômés de l'enseignement supérieur.

Quelque deux millions de Cubains et leur descendance vivent dans quarante pays dans le monde, dont 80% aux États-Unis, et l'émigration a toujours constitué un sujet de confrontation entre La Havane et Washington.

«Ceci est dû au fait que les États-Unis sont le principal pays d'émigration cubaine, mais aussi le principal adversaire politique», selon Antonio Aja, un expert en migration qui dirige le Centre d'Études démographiques de l'Université de La Havane.

«Même si Cuba s'efforce de dépolitiser le sujet, je ne crois pas que ces mesures (préparées par La Havane) puissent mettre un terme à son utilisation politique», a-t-il assuré à l'AFP.

«Une normalisation des règles d'émigration devrait permettre, en retour, que Washington régularise également ses formalités migratoires», estimait une récente étude du Cuban Research Institute et signée par des experts cubains et américains.