Le Pérou a opté pour la «grande transformation» promise par l'ancien militaire et nationaliste de gauche Ollanta Humala, au second tour de l'élection présidentielle, qui l'opposait dimanche à Keiko Fujimori, fille de l'ex-chef d'État autoritaire.

«Nous avons gagné les élections», a proclamé dimanche soir l'ancien lieutenant-colonel de 48 ans, avant de rejoindre ses partisans qui l'attendaient depuis des heures sur une place du centre de Lima.

Après dépouillement de plus de 81% des bulletins, Humala obtenait 50,7% des voix, contre 49,3% à la députée de 36 ans, une avance vouée à s'accroître avec l'arrivée des résultats des fiefs ruraux du candidat de gauche.

Mme Fujimori a déclaré «attendre les résultats officiels», tout en assurant qu'elle serait «la première» à les reconnaître s'ils confirment la victoire d'Humala, battu en 2006 par le président sortant Alan Garcia (centre-droit), qui ne pouvait briguer un deuxième mandat consécutif.

Sur la Plaza Dos de Mayo, cet ancien émule d'Hugo Chavez, qui a pris ses distances avec le modèle étatiste du président du Venezuela, est monté sur scène sous une pluie de confettis rouges et blancs aux couleurs du Pérou.

«Je renouvelle mon engagement d'une croissance économique avec intégration sociale à partir du 28 juillet (son investiture)», a-t-il lancé en bras de chemise à des milliers de partisans brandissant des drapeaux péruviens.

Humala, d'origine indienne (Quechua) comme 80% des Péruviens veut rendre le pays moins dépendant du secteur minier (or, argent, cuivre) et mieux répartir la forte croissance (8,7% en 2010), notamment en faveur des provinces andines reculées où la pauvreté atteint 60%.

Ses envolées contre les «pouvoirs économiques» ou ses propositions de taxe des profits miniers ont régulièrement inquiété la Bourse de Lima, qui devrait réagir négativement lundi au résultat de l'élection.

Sa victoire consacre le grand retour de la gauche à la tête du Pérou, 36 ans après le régime militaire du général Juan Velasco Alvarado (1968-75), un nationaliste de gauche parvenu au pouvoir et chassé par des coups d'État.

La droite n'est plus au pouvoir que dans deux pays en Amérique du Sud, le Chili et la Colombie.

«C'est excellent que le peuple sorte enfin de cette léthargie de 50 ans, se rende compte que les pouvoirs économiques profitent de la faiblesse des pauvres et dictent l'agenda politique», s'émerveillait Mario 46 ans, au centre de Lima.

«Pourvu qu'il tienne ses promesses, sinon, il pourrait y avoir des soulèvements», met en garde Liliana Cruz, 30 ans.

Selon des analystes, la victoire d'Humala scelle la revanche des exclus de la croissance des dix dernières années, en majorité les indigènes des zones reculées du pays, qui manifestent régulièrement contre l'exploitation, selon eux abusive, de leurs terres.

Le prix Nobel de littérature Mario Vargas Llosa, libéral de droite rallié au candidat de gauche par crainte du retour au pouvoir de l'entourage du père de Keiko Fujimori, a quant à lui salué «une défaite du fascisme».

Humala avait aussi agité le spectre des excès des présidences d'Alberto Fujimori (1990-2000), emprisonné pour corruption et violations des droits de l'homme.

En 2000, il avait lui-même mené une rébellion militaire sans lendemain et sans effusion de sang contre Alberto Fujimori, sur le point de démissionner, qui lui avait valu un bref séjour en prison.

Humala, marié à Nadine Heredia et père de trois enfants, devra forger des alliances au Parlement, où son Parti nationaliste, première formation, n'a que 47 sièges sur 130.