L'ancien président d'Haïti Jean-Bertrand Aristide, chassé par la rue sous la pression des Etats-Unis et de la France, est attendu jeudi à Port-au-Prince, un retour qui risque d'être fort remarqué trois jours avant le second tour de la présidentielle.

«M. Aristide est attendu ce jeudi à Port-au-Prince», a assuré mardi à l'AFP une source proche de l'ancien président, sans donner plus de précision.

Les USA avaient appelé lundi M. Aristide à différer son retour annoncé en Haïti, après sept ans d'exil en Afrique du Sud, pour ne pas perturber le processus électoral en cours pour la tenue du second tour, qui opposera l'ancienne Première dame Mirlande Manigat au chanteur populaire Michel Martelly.

«Un retour cette semaine ne peut être vu que comme le choix conscient d'avoir un impact sur les élections en Haïti», a observé lundi à Washington Mark Toner, porte-parole du département d'Etat, appelant M. Aristide à «différer son retour jusqu'après l'élection» afin de «permettre aux Haïtiens de voter dans une atmosphère pacifique», et craignant un impact «potentiellement déstabilisant pour le processus électoral».

Refusant de donner une date exacte de retour, la porte-parole de M. Aristide en Haïti, Maryse Narcisse, a assuré qu'il n'avait «rien à voir avec l'élection». «Il aurait dû être ici longtemps avant cette date», a-t-elle ajouté. «Il arrivera avant le 20 mars en Haïti et nous sommes en train de finaliser les préparatifs», a-t-elle ajouté.

Ira Kurzban, l'avocat de M. Aristide, avait déjà assuré lundi que le retour attendu de son client n'avait rien à voir avec le scrutin, et rappelé qu'il entendait travailler dans l'éducation. Mais, a-t-il expliqué, M. Aristide «s'inquiète qu'un changement de gouvernement en Haïti ne l'oblige à rester en Afrique du Sud».

Ancien prêtre se réclamant de la «théologie de la libération», Jean Bertrand Aristide, né en 1953, reste ultra-populaire auprès des plus humbles grâce à un discours populiste, même s'il a par deux fois été chassé de la présidence haïtienne.

Il avait fait son entrée en politique en 1985, en prononçant ses premiers discours enflammés contre la dictature de Jean-Claude Duvalier, dit «Baby Doc», qui allait s'effondrer un an plus tard. Ironiquement, ce dernier vient lui aussi de faire un retour remarqué en Haïti en janvier, entre les deux tours de la présidentielle.

Triomphalement élu à la présidence en 1990, Jean-Bertrand Aristide avait été renversé le 30 septembre 1991 par un coup d'Etat militaire. Exilé, il galvanise la diaspora haïtienne pour faire pression sur l'administration américaine, qui finit par intervenir militairement en Haïti avec 20 000 hommes.

Il revient au pouvoir entre 1994 et 1996, et continue de dominer la scène politique sous la présidence de son dauphin René Préval, de 1996 à 2001. Mais l'opposition l'accuse, ainsi que son entourage, d'être impliqués dans des assassinats, des enrichissements illicites et le trafic de drogue.

Réélu président en 2000, il est chassé en février 2004 sous la menace d'une insurrection conjuguée à des pressions internationales, notamment des Etats-Unis et de la France, qui lui reprochent son incompétence.

«Jean-Bertrand Aristide, tout comme le président Duvalier, a le droit de retourner dans son pays aujourd'hui, demain. Cela ne devrait pas bousculer les élections», a dit lundi Michel Martelly, disant toutefois préférer qu'il attende que l'élection ait eu lieu.

Fin février, son adversaire Mirlande Manigat avait dit ne pas être opposée à ce que Jean-Claude Duvalier et Jean-Bertrand Aristide reviennent «vivre en Haïti et participent à la vie politique» du pays.