Des animateurs battent le rappel dans les bidonvilles, des hommes livrent de nouveaux meubles dans son ancienne maison et les habitants ressortent les vieux portraits: à Port-au-Prince, des Haïtiens préparent dans «l'effervescence» le retour de l'ex-président Aristide.

Des animateurs battent le rappel dans les bidonvilles, des hommes livrent de nouveaux meubles dans son ancienne maison et les habitants ressortent les vieux portraits: à Port-au-Prince, des Haïtiens préparent dans «l'effervescence» le retour de l'ex-président Aristide.

«Il y a une vraie attente populaire. Même s'il n'y a pas de date officielle, les gens se préparent avec effervescence», dit René Civil l'un des plus fidèles de Jean-Bertrand Aristide, l'ex-prêtre des bidonvilles parvenu à deux reprises à la présidence d'Haïti et renversé à chaque fois.

Dans les quartiers pauvres de Port-au-Prince où il compte encore beaucoup de partisans, des animateurs organisent des porte-à-porte pour que le plus grand nombre possible de manifestants se prépare à fêter le retour d'Aristide le jour où il se présentera à l'aéroport Toussaint Louverture de la capitale.

À en croire l'avocat de M. Aristide, ce jour n'est plus très loin. S'il est toujours en Afrique du Sud, l'ex-président compte retourner à Port-au-Prince «avant l'élection» présidentielle, a dit Ira Kurzban à l'AFP.

«Des gens vont nettoyer les rues, d'autres sont en train de préparer sa résidence, nous allons lui préparer une belle fête», assure René Civil qui adule tant «Titid» qu'il en vient à l'imiter dans le ton et les gestes.

Et en effet, dans la maison de l'ex-président située non loin, cachée par de grands pans de mur, des ouvriers réparent les chambres et des meubles sont en cours de livraison.

Ancyto Félix est un de ces infatigables manifestants, présent dans tous les rassemblements pour défendre la possibilité qu'Aristide revienne dans son pays. Il a annoncé une manifestation vendredi à Port-au-Prince «pour préparer le retour», explique-t-il à la presse.

«La nourriture est en préparation», souligne une porte-parole d'Aristide, Maryse Narcisse. Dans le grand bâtiment de la Fondation Aristide pour la démocratie érigé dans le quartier de Tabarre au nord de la capitale, les membres de son parti commencent aussi à revenir.

Le retour au pays d'Aristide, après celui moins attendu de l'ex-dictateur Jean-Claude Duvalier, est espéré dans plusieurs quartiers, mais il est aussi craint, notamment par ceux qui ont ouvertement contribué à le renverser.

Jean Bertrand Aristide, 57 ans, ex-opposant à la dictature duvaliériste (1957-86), a été élu à la tête du pays en 1990, avant d'en être chassé huit mois plus tard par un coup d'État. Il était revenu au pouvoir en 1994, grâce à une intervention militaire des États-Unis. Réélu en 2000, il a été contraint à l'exil en février 2004, Washington et Paris notamment lui reprochant son incompétence. Ses proches et lui-même préfèrent parler de «kidnapping».

L'élection de René Préval en 2006 avait redonné espoir à ses partisans qui avaient largement voté pour l'ancien Premier ministre de «Titid» histoire de favoriser le retour au pays de leur mentor.

Mais l'attente aura duré plus de cinq ans avant que l'administration du président Préval, en fin de mandat, ne décide d'octroyer ces derniers jours un passeport diplomatique à son ancien frère.

En dépit de la distance, Aristide n'a jamais été loin d'Haïti, diffusant sa vision de l'actualité à Port-au-Prince messages après messages.

M. Aristide avait expliqué en janvier dans un communiqué vouloir rentrer pour des raisons médicales et «pour contribuer à servir (ses) frères et soeurs haïtiens» dans le domaine de l'éducation.

«Cela fait six années que nous prions pour son retour, il va enfin revenir et nous allons montrer notre joie», déclare sur la place du Champ-de-Mars un jeune garçon adossé au grillage vert du palais présidentiel en ruines.