Le narcotrafiquant ponctue chacune de ses paroles avec le canon de son fusil d'assaut Sig Sauer de calibre .556.

Oui, dit Jogador sans hésiter, les gangs qui font le trafic de la drogue à Rio de Janeiro se sentent menacés par la plus importante offensive policière jamais lancée contre eux, un effort herculéen qui vise à améliorer la sécurité avant les Jeux olympiques de 2016. Le groupe lourdement armé qu'il dirige est en voie d'être chassé de son territoire dans les favélas, entraînant un recul des ventes de cocaïne et d'héroïne.

C'est toutefois ce que dit ensuite le jeune criminel de 25 ans, avec un rire bas et un hochement sinistre de la tête, qui sème la terreur dans le coeur des habitants de la ville: il affirme que les gangs se préparent à un retour en arrière, à l'époque la plus violente de l'histoire de la ville.

«Si tu accules un animal au pied du mur, dit-il, les yeux enflammés, pointant le canon de son arme suisse vers un mur criblé de trous de balles, quelle est sa dernière option? D'attaquer.»

La radio qu'il porte à la ceinture s'anime. Les policiers ont capturé une vigie en périphérie du bidonville que son gang domine dans l'ouest de Rio. De jeunes hommes munis de fusils et d'armes semi-automatiques courent partout, se préparant à une nouvelle invasion de la police.

Jogador baisse le volume de la radio. Difficile de déterminer si ce qu'il dit est de la frime ou un véritable avertissement, mais il y a probablement un peu des deux.

«Rio de Janeiro va devenir très petite, prévient Jogador, qui a accepté de parler à condition qu'il soit identifié sous un sobriquet inconnu de la police. Rio de Janeiro va trembler.»

La violence a déjà débuté. En réponse à l'offensive policière qui les a chassé de 13 favélas - dont celui d'Alemao, un des plus importants de la ville - les gangs ont organisé des attaques sur certaines des principales artères de la ville, incendiant une centaine de véhicules et dévalisant leurs occupants.

Ces scènes de guerre urbaine rappellent 2002, quand des gangs ont essentiellement paralysé la ville pour dénoncer les conditions de détention de leurs leaders. Des autobus avaient été incendiés et des édifices gouvernementaux attaqués à l'arme automatique et à la grenade. La situation avait duré plusieurs mois.

Les trois principaux gangs se préparent maintenant à une autre grande bataille. Jogador dit qu'ils sont prêts à mettre fin à leur rivalité sanglante pour s'unir face à la police. Le responsable de la sécurité publique pour l'État de Rio, Jose Beltrame, a reconnu que la situation est de plus en plus tendue et que les gangs semblent être en voie de s'unifier.

Depuis deux ans, les gangs ont été chassés de 13 bidonvilles où des commissariats de police permanents ont ensuite été installés. Les gangs ont perdu les revenus qui provenaient de ces bidonvilles, et ils pourraient bientôt décider qu'il sera moins coûteux pour eux de combattre la police que de continuer à céder du terrain.

«Chaque action entraîne une réaction, a prévenu Jogador. Je pense que la Coupe du monde (en 2014) et les Jeux olympiques (en 2016) seraient beaucoup plus pacifiques s'ils cessaient d'envahir nos bidonvilles. S'ils entrent en tirant dans notre communauté, où pouvons-nous aller? Nous allons traverser de leur côté et ils auront un problème. S'ils essaient d'installer un (commissariat de police) ici, ce sera la guerre.»