Pour la troisième fois en moins de dix ans, le Parlement européen a décerné jeudi son Prix Sakharov de la liberté de penser a un dissident cubain, Guillermo Fariñas, qui a immédiatement appelé à la fin de la «dictature» dans l'île communiste.

Ce choix a pris des allures de rappel à l'ordre à l'égard du régime au pouvoir à La Havane au moment où celui-ci tente de réchauffer ses relations avec l'Union européenne, suite à la libération de plusieurs dizaines de prisonniers politiques.

Le président du Parlement européen, le Polonais Jerzy Buzek, a justifié la décision en soulignant que le lauréat «était prêt à faire le sacrifice de sa santé et de sa vie pour obtenir des changements à Cuba». Il a émis l'espoir de lui remettre le prix en mains propres, lors d'une cérémonie prévue le 15 décembre à Strasbourg.

La chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton, a aussi salué la décision, estimant par la voix de sa porte-parole que M. Fariñas avait «fait preuve de détermination et de courage pour ses idéaux».

Elle a appelé à «davantage» de libérations de détenus politiques à Cuba, tout comme le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, qui a parlé d'un «hommage mérité» et demandé à Cuba d'achever le processus d'élargissement des dissidents.

Le Prix Sakharov 2010 a aussi reçu les encouragements de l'administration américaine.

«Nous félicitons Monsieur Fariñas pour ce prix, et l'UE pour avoir sélectionné une personne qui le méritait tant», a indiqué à l'AFP un porte-parole du Département d'État.

M. Fariñas, 48 ans, a mené 23 grèves de la faim contre le régime communiste de La Havane. Psychologue et cyberjournaliste à la «vocation de martyr», il dirige l'agence illégale en ligne Cubanacan Press, et est membre du mouvement clandestin «Alliance démocratique cubaine».

Depuis Cuba, l'opposant a réagi sans tarder en appelant à la «fin de la dictature» dans son pays. «Le monde civilisé, le Parlement européen envoient un message aux dirigeants cubains: il est temps qu'il y ait la démocratie, la liberté de conscience et d'expression à Cuba, et la fin de la dictature», a-t-il souligné.

Le lauréat, dont la candidature avait été proposée par la droite au Parlement européen, s'est imposé face à deux autres finalistes: l'opposante éthiopienne Birtukan Mideksa et l'ONG israélienne «Breaking the silence». Ce choix a été qualifié de «mascarade» par la gauche communiste au Parlement européen.

C'est en effet la troisième fois en neuf ans que ce prestigieux «prix pour la liberté de pensée» - qui au fil des ans s'est imposé comme une sorte d'ersatz européen du Prix Nobel de la Paix - honore un individu ou une organisation anti-castriste.

En 2002, le Prix avait été octroyé à l'opposant Oswaldo Paya Sardiñas, et trois ans plus tard au mouvement des «Dames en blanc», qui réunit des épouses et parents de dissidents emprisonnés.

L'annonce de cette récompense survient alors que Cuba espère obtenir un assouplissement de la position européenne à son égard. Le sujet sera justement à l'ordre du jour d'une réunion des chefs de la diplomatie des 27, lundi à Luxembourg.

L'enjeu est la reconduction ou non de la politique fermeté maintenue par l'UE face à Cuba depuis 1996, liant tout dialogue au respect des droits de l'Homme et aux progrès de la démocratie sur l'île. Elle ne peut être assouplie que si les 27 le décident à l'unanimité.

Selon une source diplomatique, un changement majeur n'est pas attendu lundi. Mais l'UE pourrait faire un geste afin de saluer les récentes libérations de prisonniers politiques.