Un candidat au poste de gouverneur assassiné, un cadavre décapité jeté devant le domicile d'un aspirant à la mairie de Ciudad Juarez, le favori de la course électorale dans l'État de Sinaloa qui s'exhibe aux côtés de narcotrafiquants et le maire de Cancun jeté en prison pour ses liens avec les cartels. C'est un condensé de la campagne électorale mouvementée qui a précédé le scrutin de demain dans 12 États mexicains. Panorama d'un vote qui se déroule dans les zones les plus violentes du pays.

Lundi dernier, peu après 10h du matin, Rodolfo Torre Cantu, favori pour devenir gouverneur de l'État de Tamaulipas (Nord-Est du Mexique), ne souriait plus que sur les affiches électorales.

 

À quelques pas de ce véhicule gisaient les corps du candidat et de quatre collaborateurs, abattus dans une embuscade. Torre Cantu, du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), n'avait jamais reçu de menace des narcotrafiquants qui sévissent dans cette région frontalière. L'attaque porte pourtant la signature du crime organisé, si l'on en croit les autorités.

«C'est un coup brutal porté à notre système démocratique» estime Victor Alejandro Espinoza, chercheur au Colegio de la Frontera Norte, une institution qui étudie les États frontaliers avec les États-Unis.

Peur d'être candidat

«En tuant le candidat le plus populaire et le mieux protégé de Tamaulipas, les cartels avertissent tous les autres politiciens de la région qu'ils ont intérêt à leur obéir, ajoute l'expert. Et c'est aussi une manière de dire au gouvernement fédéral: «Nous sommes plus forts que vous.» Le crime organisé n'avait jamais frappé aussi haut dans les sphères politiques mexicaines.»

Quel poids représentent 26 millions d'électeurs face à quelques puissants chefs de cartel capables d'influer sur le scrutin et d'en conditionner les résultats? C'est une question qui taraude les observateurs du scrutin régional et municipal de dimanche. Les gouverneurs et maires seront renouvelés dans 12 des 31 États.

Dans le Tamaulipas, il y a de nombreuses candidatures vacantes en raison de la peur. En mai, déjà, Mario Guajardo Varela, candidat à la mairie de Valle Hermosa, près du Texas, avait été assassiné. Les cartels l'avaient sommé de ne pas se présenter aux élections.

Ailleurs, d'autres candidats ont été abattus, certains ont été enlevés et restent disparus. Quelques aspirants dont les familles ont été prises pour cible ont abandonné la course.

Pactes avec le crime organisé

À Ciudad Juarez, la tête d'un homme décapité ainsi que son cadavre ont été retrouvés mercredi sur le seuil du domicile d'Hector Murguia, candidat à la mairie de la ville la plus violente du monde, avec un bilan de 4500 exécutions depuis 2007.

Le soir même, c'était la sous-procureur de l'État de Chihuahua, Sandra Ivonne Salas, qui était criblée de balles sur un grand boulevard de la cité frontalière.

Dans l'État de Sinaloa, le candidat-gouverneur Jesus Vizcarra n'est pas parvenu à démentir ses liens avec les narcotrafiquants locaux étalés, photos à l'appui, dans la presse.

Quant au maire sortant de Cancun, Gregorio Sanchez, il croupit en prison depuis le 25 mai, accusé d'avoir protégé des groupes criminels. Il a été déchu de la candidature au poste de gouverneur de Quintana Roo.

«La colombianisation du Mexique est un fait. Les narcotrafiquants ont pénétré la structure de l'État et de nombreux élus jugent incontournables les pactes avec le crime organisé, déplore Victor Alejandro Espinoza. On ne sait plus comment endiguer cette situation, comment enrayer ce tourbillon.»