Quatre mois après Gregorio Alvarez, la justice uruguayenne a condamné mercredi soir un deuxième ancien dictateur, Juan Maria Bordaberry, pour son rôle dans le coup d'État de 1973 qui a ouvert la voie à 12 années de régime civilo-militaire dans ce petit pays sud-américain.

L'ex-homme fort du pays, âgé de 81 ans, a été condamné à 30 ans de prison pour «atteinte à la Constitution», a indiqué à l'AFP Me Hebe Martinez Burle, qui avait porté plainte conjointement avec Walter De Leon en 2002.

C'est la peine maximale dans ce pays.

M. Bordaberry, élu fin 1971, a exercé son mandat de mars 1972 à juin 1973 avant de recourir aux forces armées pour dissoudre le parlement et instaurer une dictature. Les militaires l'ont renversé en 1976 et ont conservé le pouvoir jusqu'en 1985, année du retour à la démocratie.

Placé en résidence surveillée depuis 2007 en raison de problèmes de santé, il avait été arrêté en novembre 2006 pour son rôle dans une autre affaire: l'assassinat en 1976 à Buenos Aires de quatre opposants au régime uruguayen.

Il s'agissait du sénateur Zelmar Michelini, du président de la Chambre des députés Hector Gutierrez Ruiz et des militants tupamaros (guérilla de l'époque) William Whitelaw et Rosario Barredo.

M. Bordaberry avait été le premier responsable du régime jugé en Uruguay depuis le vote en 1986 d'une loi soumettant à l'approbation du gouvernement toute poursuite contre des militaires et policiers soupçonnés de crimes durant la dictature.

Cette loi de «caducité» a été interprétée comme une amnistie de facto jusqu'à l'arrivée au pouvoir en 2005 de la coalition de gauche du Frente Amplio, qui a autorisé les juges à enquêter sur certaines violations des droits de l'homme commises sous le régime militaire.

«Nous avons été traités de fous quand nous avons porté plainte avec Walter de Leon et 1.500 citoyens qui ont soutenu l'initiative, car dans ce pays, on ne pouvait pas juger quelqu'un pour avoir commis un coup d'État», se souvient Me Martinez Burle.

Depuis huit ex-soldats et policiers ont été pour la première fois condamnés fin mars 2009 pour des exactions commises durant la dictature, qui a laissé 231 personnes disparues en Uruguay (3,4 millions d'habitants) ou à l'étranger, selon une commission créée en 2000 par la présidence.

En octobre, un autre dictateur, l'ancien commandant en chef Gregorio Alvarez, dernier président du régime militaire de 1981 à 1985, a écopé de 25 ans de prison.

La Cour Suprême a également jugé anticonstitutionnelle la loi de caducité mais une proposition pour l'annuler a été rejetée par référendum fin octobre.

L'Argentine voisine a en revanche annulé en 2003 ses lois d'amnistie de la dictature (1976-1983), permettant la réouverture de nombreux procès.

Au Chili, malgré une loi d'amnistie couvrant les cinq premières années de la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990), environ 500 militaires sont actuellement poursuivis pour crimes contre l'humanité.

Au Brésil, la perspective d'une révision de la loi d'amnistie des crimes du régime militaire (1964-1985) a déclenché récemment une grave crise entre l'armée et le président Luiz Inacio Lula da Silva, qui a reculé.