Le président bolivien Evo Morales, réélu triomphalement en décembre, est investi jeudi et vendredi pour un second mandat de cinq ans, baigné du symbolisme amérindien dont se réclame son socialisme, mais avec une hégémonie qui inquiète ses opposants.

Les ruines de Tiwanaku près du Lac Titicaca, site d'un empire andin plus ancien que celui des Incas, sont un lieu de ressourcement mystique et politique pour Morales. Comme en 2006, c'est là qu'il sera consacré jeudi «chef spirituel des Autochtones», avec apparat et solennité, guidé par des «amautas» (sages) et «yatiris» (prêtres) aymaras.

Le premier chef d'État amérindien de la Bolivie depuis son indépendance en 1825, posera un genou à terre, invoquera la Terre et le Soleil, effectuera des offrandes, et recevra des sceptres symbolisant la dualité des pouvoirs rationnel et spirituel.

Vendredi, il sera investi par le Parlement dont il contrôle désormais les deux-tiers, ce qui devrait lui permettre d'achever ses réformes vers un état «socialiste, plurinational, post-colonial», selon lui.

Morales, 50 ans, a été réélu le 6 décembre avec 64% des voix lors des élections générales. Son Mouvement vers le socialisme (MAS) a conquis la majorité absolue des deux chambres et peut ainsi amender la Constitution s'il le souhaite, mais aussi contrôler les nominations des grands corps et de la justice.

Ce pouvoir gagné dans les urnes inquiète l'opposition de droite, en déroute.

Le rival conservateur de Morales à la présidentielle, Manfred Reyes Villa, a fui en décembre aux États-Unis, avec quatre procédures de justice aux trousses. L'ex-gouverneur de La Paz José Luis Paredes, lui aussi poursuivi, l'a imité pour l'Argentine. Sans compter d'anciens ministres, qui ont quitté l'an dernier la Bolivie pour le Pérou.

«L'opposition au niveau national n'a plus de présence, elle n'existe que de nom», résume le politologue Jorge Lazarte. Après avoir perdu le contrôle du Sénat, la chambre haute, «son défi est de continuer à exister au niveau régional».

Les prochaines élections des gouverneurs régionaux, en avril, sont une échéance cruciale pour l'opposition, qui compte conserver le pouvoir dans quatre, voire cinq provinces sur neuf.

Le premier mandat de Morales a été «une réussite sur le plan de l'inclusion sociale», pense Carlos Cordero de l'Université San Andres, ainsi que plusieurs observateurs indépendants. L'État a fait de l'alphabétisation, la pauvreté ou la mortalité infantile des priorités visant les plus pauvres, en majorité des Amérindiens, historiquement délaissés par l'élite gouvernante.

Mais l'emploi a besoin d'un coup de fouet, le chômage atteignant 11% selon des chiffres non officiels. Et la population sera attentive aux retombées de la manne apportée par les richesses du sous-sol, gaz et lithium notamment, car malgré les prébendes, la Bolivie demeure un des pays les plus pauvres d'Amérique latine.

Pour l'heure, Morales, dopé par sa réélection, déloie sa verve à l'international.

Il a tancé les pays industrialisés après le sommet de Copenhague sur le climat, réclamant un «tribunal climatique», et convoqué sa propre «Conférence mondiale» sur le réchauffement.

Plus récemment, il a été un des rares chefs d'État à fustiger «l'occupation» américaine sous couvert d'aide à Haïti, où les États-Unis ont annoncé l'envoi de 15 000 militaires pour venir en aide aux victimes du séisme du 12 janvier.