Des Havanais voyaient parfois des patients de l'hôpital psychiatrique, sales, émaciés, mendiant pieds nus dans l'enceinte du bâtiment, mais jamais ils n'auraient cru que cela se terminerait par la mort de 26 d'entre eux, emportés par une vague de froid et de négligence.

Le gouvernement cubain de Raul Castro a reconnu vendredi le bruit qui courait depuis quelques jours à La Havane: 26 patients - âgés et souffrant de maladies chroniques - de l'hôpital psychiatrique ont succombé à des températures nocturnes de 4 degrés en début de semaine fautes de soins suffisants.Dans le quartier Panamerica où se trouve le seul hôpital de la capitale cubaine, c'est l'indignation. Même s'il y a longtemps que les habitants disent être les témoins des trafics en tout genre des employés négligeant leurs patients.

«Je n'ai jamais rien vu de tel, ces morts ont choqué tout le quartier et je crois tout le pays», s'exclame Olga Martinez, 65 ans, qui a travaillé pendant 43 ans dans cet hôpital comme nombre d'habitants du voisinage.

«Cela ne peut se justifier dans un pays comme Cuba, avec le niveau de santé et de développement que tient notre médecine. Cet hôpital a été une référence pour toute l'Amérique latine. Il n'y a aucune justification pour ce qui s'est passé et les responsables doivent être punis de façon exemplaire», dit-elle.

«Je n'ai jamais pensé qu'une telle chose pourrait se produire dans un hôpital. Je me rappelle qu'il y a déjà eu des morts en décembre et janvier en raison du froid, mais là, on parle de 26 personnes!», dit Isabel Boris, qui a travaillé pendant 39 ans comme femme de ménage dans un hôpital.

Une employée de l'hôpital refusant d'être identifiée admet que tous savaient «qu'il se passait des choses pas bien, mais personne ne pensait que cela irait à ce point».

«Nous étions inquiets pour certains patients qui allaient pieds nus, sales, quémandant de la nourriture ou de l'argent» dans l'enceinte de l'hôpital, poursuit-elle.

«Tous ceux qui travaillent ici le savent bien. Que Dieu me punisse si je mens», dit-elle, en accusant des employés de l'hôpital de voler la nourriture des patients.

«Jamais cela ne s'était produit dans cet hôpital, vendre la nourriture des patients, c'est criminel!», s'exclame, outré, Oracio Boris, 71 ans, qui a travaillé pendant 35 ans dans la cafétéria de l'hôpital.

Esther Valdes, femme au foyer de 51 ans, raconte que dans cet hôpital, «il se trafiquait de tout, de la nourriture surtout mais aussi des vêtements, des couvertures, des réfrigérateurs, des airs climatisés, des ventilateurs».

Face à la gravité de cette affaire qui serait sans précédent depuis la Révolution de 1959, le président Raul Castro s'est rendu cette semaine dans l'hôpital avec son ministre de la Santé José Ramon Balaguer et des responsables de la Sécurité d'Etat, selon des employés.

Selon les habitants du quartier, la situation dans l'Hôpital psychiatrique a commencé à se détériorer après la mort en 2006 de son directeur Eduardo Bernabé Ordaz qui, pendant 40 ans de labeur, avait réussi à transformer un «entrepôt de fous» en une institution modèle.

Malgré des défaillances en raison des graves difficultés économiques de l'île, le système de santé gratuit et pour tous reste un emblème de la Révolution qui maintient par ailleurs sa «mission internationaliste» en exportant ses médecins par milliers dans les pays pauvres.

Employée d'un hôpital et vivant dans le quartier de Panamerica, Yinet Gonzalez, 39 ans, craint que cette affaire, «du jamais vu», «ne mette en péril le prestige de la Révolution, de notre système de santé».