Le paco, qu'on surnomme la drogue du pauvre, est devenu un véritable fléau en Argentine. Depuis la crise économique de 2001, des dizaines de milliers de jeunes se sont mis à en consommer. Si bien qu'on en parle aujourd'hui comme d'une pandémie et que des mères manifestent publiquement pour sauver leurs enfants de l'enfer de cette drogue.

Sur la place de Mai, face au palais présidentiel argentin, des mères tournent. Comme les fameuses Mères de la place de Mai, qui ont lutté pour retrouver leurs enfants disparus durant la dictature, les «Mères contre le paco» protestent.

 

Différence de taille: leur foulard n'est pas blanc, mais noir, «en signe de deuil, car le paco nous vole nos enfants», témoigne Anita, l'une d'entre elles. «Le gouvernement ne fait rien pour en finir avec les trafiquants qui vendent à chaque coin de rue.»

Le paco, «pâte base» à partir de laquelle est fabriquée la cocaïne, est un fléau en Argentine. Vendu 1,50$ ou 3$ la dose, ce sulfate de cocaïne mélangé à divers solvants toxiques attaque en quelques secondes le cerveau. L'effet ne dure que cinq minutes, d'où une grande dépendance des consommateurs.

À partir de la crise économique de 2001, des dizaines de milliers de jeunes, notamment dans les bidonvilles de Buenos Aires, se sont mis à consommer du paco, d'où son surnom de «drogue du pauvre». Elle concerne désormais toutes les classes sociales.

Selon les autorités, il existe environ 100 000 dépendants au paco. Il tuerait 10 personnes par semaine dans la seule province de Buenos Aires. «C'est comme la grippe porcine, une vraie pandémie. Il faut lui déclarer la troisième guerre mondiale», s'insurge Eduardo Ramos, un ancien dépendant de l'héroïne aujourd'hui engagé dans la lutte contre le paco.

Jean délavé et bouille légèrement enflée, Max* raconte qu'il a plongé dans le paso, «pour la frime». À 13 ans, il volait ses propres parents pour acheter sa dose.

Cheveux roux frisés, Janina est déjà maman bien qu'elle ne soit encore qu'une enfant. Elle balance nerveusement les jambes, séquelle de la drogue qu'elle a prise pendant des années. «Je fuyais mes problèmes», dit-elle. Janina tente aujourd'hui de s'en sortir. «Je veux récupérer mon fils dont on m'a enlevé la garde pour lui donner la mère dont il a besoin.»

Max, Janina et une vingtaine d'autres mineurs suivent un traitement contre les dépendances à Casa Puerto, à Buenos Aires. «Casa Puerto» signifie la «Maison port» en espagnol. Le seul port d'attache de la capitale argentine pour des mineurs à la dérive, qui sont «d'abord en situation d'abandon et de désenchantement», s'attriste Claudio Orguelt, directeur du centre de réhabilitation.

Les jeunes y découvrent la vie en communauté. Ils y mangent, dorment et suivent des cours d'informatique, des ateliers de peinture et de boulangerie. Ils restent au centre le temps qu'il faut pour se sentir assez forts, parfois jusqu'à deux ans. Déjà condamné pour vol armé, Matias vient d'arriver. Fasciné par l'atelier boulangerie, il caresse désormais un rêve: «Devenir chef cuisinier une fois sorti d'ici.»

* Les prénoms ont été changés à la demande des autorités.