Le gouvernement français a tenté jeudi une ouverture à l'égard des grévistes de la Guadeloupe, cette île des Antilles françaises plongée dans le chaos après plus de quatre semaines d'un mouvement de protestation contre le coût de la vie et les bas salaires.

Au lendemain de la mort d'un syndicaliste, première victime du conflit, le premier ministre François Fillon a annoncé que le gouvernement allait soumettre une proposition permettant une augmentation des bas salaires «proche des 200 euros» réclamés par les syndicats réunis dans un «Collectif contre l'exploitation» (LKP). Cette offre, a ajouté M. Fillon, «permet de s'approcher très près, même si on ne l'atteint pas naturellement, des objectifs financiers, quantifiés que réclame le collectif».

Le président du Conseil régional de Guadeloupe, Victorin Lurel, membre de l'opposition socialiste, a immédiatement jugé cette proposition insuffisante et «pas de nature à débloquer la situation».

Le président Nicolas Sarkozy devait recevoir dans l'après-midi les élus de l'outre-mer, et s'impliquer dans ce conflit, après avoir déclaré mercredi que cette grève était le signe de «l'angoisse» et de la «désespérance» des Guadeloupéens.

La Guadeloupe, en grève générale depuis le 20 janvier, et l'île voisine de la Martinique, qui a rejoint le mouvement le 5 février, accumulent les maux sociaux. Le chômage y dépasse les 20%, les prix des produits de grande consommation, en majeure partie importés de France métropolitaine, sont très chers.

De plus, ce conflit social réveille des tensions raciales entre la population noire et la minorité blanche, dont les familles de «békés», descendants des colons esclavagistes. Ces familles contrôlent une bonne partie de l'économie, dont la grande distribution, responsable aux yeux des grévistes du niveau des prix.

Le gouvernement a fait savoir jeudi qu'il allait s'attaquer aux prix élevés des télécommunications et de l'accès à Internet aux Antilles.

La situation restait très tendue dans l'île. Dans la nuit de mercredi à jeudi, les forces de l'ordre ont essuyé cinq tirs de fusil de chasse à Gosier, une commune touristique à 5 km de Pointe-à-Pitre, mais sans blessés à déplorer.

Une mairie, celle de la commune de Sainte-Rose (nord), a été envahie et des dégradations ont été commises, avant l'intervention des gendarmes.

Au total, 39 personnes ont été interpellées dans la nuit sur l'île, tandis que deux magasins importants, deux restaurants et un concessionnaire automobile ont été incendiés.

François Fillon a par ailleurs assuré que les forces de l'ordre n'étaient pour rien dans la mort d'un syndicaliste, dans la nuit de mardi à mercredi, alors qu'il revenait d'un piquet de grève. Il s'agit d'un «crime commis par des délinquants», a dit le premier ministre.

Le ou les meurtriers ont utilisé «une balle qui sert à chasser les sangliers». «C'était un lieu où il n'y avait pas de forces de l'ordre», a-t-il ajouté.

Le leader du collectif LKP, Elie Domota, a cependant émis des «doutes» sur la «version officielle». «On demande à la justice de mener une enquête approfondie pour réellement définir ce qui s'est passé parce que les circonstances sont encore troubles», a-t-il affirmé.

Le LKP a annoncé une nouvelle manifestation pour jeudi matin vers 13H00 GMT.

Après avoir reçu les élus des Antilles, le président Sarkozy, vivement critiqué pour être resté très en retrait depuis le début de cette crise, devait s'exprimer sur la chaîne de télévision de l'outre-mer, RFO.