L'ex-otage de la guérilla des Farc Alan Jara, libéré mardi après plus de sept ans de captivité, a critiqué le président colombien Alvaro Uribe dans ses premiers propos d'homme libre, tranchant avec l'attitude enthousiaste ou discrète des autres ex-otages.

«Je pense profondément que le président Uribe n'a rien fait pour notre liberté», a déclaré l'ancien gouverneur de 51 ans enlevé le 15 juillet 2001, lors d'une conférence de presse qui a duré de deux heures, dans sa ville natale de Villavicencio (90 km au sud-est de Bogota).

Avant lui, la plupart des otages libérés s'étaient montrés discrets, voire enthousiastes à l'égard du chef de l'Etat colombien, qui jouit encore, après six ans au pouvoir, d'un taux d'approbation de près de 70%.

Alan Jara, lui, s'est montré glacial. Lorsqu'un journaliste lui a demandé s'il avait parlé à Alvaro Uribe depuis sa libération, il a simplement répondu: «ici (dans cette salle, ndlr) se trouvent ceux à qui je dois la liberté».

L'ex-gouverneur, qui est ingénieur de formation, a aussi estimé que l'attitude de son gouvernement, dont la priorité a été d'obtenir une victoire militaire sur la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) n'avait en rien favorisé l'échange entre des otages et des combattants des Farc incarcérés, proposé par la guérilla.

«Il semblerait, a-t-il ajouté, que le président trouve un intérêt dans la situation de guerre que vit le pays et que les Farc apprécient qu'Uribe soit au pouvoir». Evoquant une conversation avec un commandant des Farc, il a ajouté que celui-ci lui avait rappelé que les révolutions naissent dans les crises.

Rejetant les opérations militaires, Alan Jara a avoué que pendant sa captivité il avait eu davantage peur des opérations de l'armée - il a vécu au moins quatre bombardements - que des guérilleros, et assuré que les tentatives de sauvetages militaires sont le plus souvent des «condamnations à mort».

Il est «urgent», a-t-il souligné, qu'il y ait un échange humanitaire d'otages contre des combattants de la guérilla et une «solution politique» au conflit qui l'oppose à l'armée depuis plus de 40 ans, car les autres otages «pourrissent dans la jungle».

«Si la politique de sécurité est si forte et puissante, comment un accord humanitaire pourrait-t-il l'ébranler?», s'est-il interrogé, non sans critiquer les enlèvements et les agissements de la guérilla.

Alan Jara a en outre minimisé l'affaiblissement de la guérilla, thème central de la communication gouvernementale.

«Durant les sept semaines que j'ai passées à marcher (pour atteindre le lieu de rendez-vous en vue de sa libération, ndlr) j'ai pu vivre la vie quotidienne des Farc. Je ne sais pas comment c'est vu de l'extérieur, mais elles ne sont pas vaincues», a-t-il assuré.

«Il y a beaucoup de jeunes (qui rejoignent ses rangs, ndlr) ... et tant que les causes qui poussent ces jeunes vers la guérilla seront présentes, le problème ne disparaîtra pas».

Les Farc, a-t-il encore affirmé, «ont un réseau d'approvisionnement qui peut susciter la jalousie».

Dans un bref message diffusé en soirée, le président colombien a fait part de sa «solidarité» avec la famille d'Alan Jara et l'ex-otage après sa longue captivité, qui a eu «pour unique cause le terrorisme». «Le seul chemin vers la paix est (de suivre) la voie ferme de la sécurité», a-t-il ajouté.

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