(Marsabit) Nuria Gollo n’est pas de nature à se taire même si ses sorties publiques répétées contre les mariages précoces et les mutilations génitales féminines lui ont valu au fil des ans nombre de menaces.

« J’en parle nuit et jour quoi qu’il advienne », résume la femme de 56 ans, qui a délaissé il y a 20 ans une carrière d’enseignante pour se consacrer à temps plein à sa lutte contre ces pratiques décriées.

La résidante de Marsabit est bien placée pour évoquer leurs conséquences négatives, puisqu’elle a elle-même été mariée à 16 ans à un homme ayant plus de deux fois son âge qui a fourni une vache en guise de dot.

« Le mariage n’a pas duré. Je n’étais pas prête à être une épouse », souligne Mme Gollo, qui a bravé la volonté de son père pour finalement obtenir au début de la vingtaine un divorce en bonne et due forme avant de se remarier avec un homme de son choix.

Son clitoris avait été « coupé » à l’âge de 10 ans par sa grand-mère lors d’une « cérémonie spéciale » qui devait, assurait-on, lui permettre de devenir une femme à part entière.

« La forme de mutilation génitale que j’ai subie était la plus sévère », souligne Mme Gollo, qui a vécu pendant des années avec les séquelles de l’intervention.

Le mariage précoce et les mutilations génitales féminines, dit-elle, sont d’abord et avant tout le reflet de la volonté de dirigeants traditionalistes masculins qui entendent décider pour les femmes de ce qui leur convient.

PHOTO VIVIANNE WANDERA, COLLABORATION SPÉCIALE

Nuria Gollo lutte depuis des décennies contre les mariages forcés et les mutilations génitales féminines.

Dans certaines communautés de la région, il y a encore 100 % des femmes qui sont coupées. Lorsque je parle aux chefs en leur expliquant les conséquences négatives qui en découlent, ils me disent qu’ils comprennent, mais ils font couper leurs propres filles dès qu’on a le dos tourné.

Nuria Gollo

Il y a quelques années, les dirigeants de nombreux villages du comté ont assuré lors d’une importante réunion qu’ils ne cautionneraient plus la pratique et lutteraient contre les mariages précoces, mais les dénonciations n’ont pas suivi.

« Les chefs font partie du problème », souligne la militante, qui n’hésite pas à se rendre directement dans les villages pour « sauver » des fillettes en voie d’être mariées ou tenter de faire arrêter un homme ayant enfreint les lois en entraînant la police à sa suite.

Appels à l’aide

Nuria Gollo a aussi aidé plusieurs familles à obtenir devant les tribunaux qu’un homme ayant abandonné sa femme à la suite d’une grossesse soit tenu de la soutenir financièrement.

Nombre de femmes victimes de violence domestique sollicitent par ailleurs l’aide de l’organisation qu’elle a créée pour aider les résidantes du comté, mineures ou pas, à faire valoir leurs droits.

Parfois, des dizaines d’entre elles font le pied de grue le matin devant l’immeuble où travaille son équipe à Marsabit, témoignant de l’ampleur des besoins dans cette partie du pays.

En milieu urbain, on assiste à certains progrès, en partie parce que les gens ont peur de se faire arrêter. Mais c’est beaucoup plus difficile dans les régions rurales, où les pratiques culturelles changent peu. Les mutilations génitales continuent notamment d’être vues comme une condition incontournable à l’obtention d’une dot.

Nuria Gollo

Mme Gollo, qui est aujourd’hui mère de cinq enfants, dont deux filles, n’accepterait pour rien au monde qu’elles soient excisées à leur tour.

« Mon mari s’inquiète parfois de la possibilité qu’il soit difficile de les marier pour cette raison. Je lui réponds qu’il vaut mieux qu’elles ne se marient pas si c’est le cas », tranche la militante, qui ne se décourage pas de la lenteur des transformations sociales en cours.

« Je ne perds pas espoir parce qu’il y a des succès, pas seulement des échecs. Je tente de fournir ma part d’efforts et je sais que beaucoup de filles vont se souvenir, une fois devenues grandes, que quelqu’un leur a sauvé la vie », dit-elle.