(Dakar) Le Sénégal a fait face à un nouveau drame sur la route migratoire qui relie l’Afrique de l’Ouest aux Canaries : au moins 15 corps sans vie ont été retrouvés lundi matin au large de Dakar.

« Ce sont des migrants a priori », a déclaré à l’AFP Samba Kandji, maire adjoint du quartier de Ouakam.  

Gendarmes et pompiers étaient sur une plage de ce quartier de la capitale, en contrebas de la corniche surplombée par des falaises, près de la mosquée de la Divinité, où était concentrée lundi la recherche d’autres corps ou d’éventuels survivants, a constaté un journaliste de l’AFP.

« On a dénombré au total 17 victimes, donc 15 corps sans vie et deux rescapés », a déclaré à la presse Martial Ndione, commandant du groupement des sapeurs-pompiers de Dakar.  

« La marine a obligé l’embarcation à accoster et des gens se sont enfuis. Certains ont sauté mais ne savaient pas nager », avait affirmé plus tôt à l’AFP M. Kandji.

« J’exprime ma profonde douleur suite au décès d’une quinzaine de Sénégalais dans le naufrage d’une pirogue au large de Dakar », a réagi dans un tweet le président Macky Sall.

Le ministre de l’Intérieur Antoine Felix Abdoulaye Diome s’est déplacé lundi après-midi sur le lieu du naufrage, selon les médias locaux et des images sur le compte Twitter de son département.

Le ministre a indiqué sur la radio privée RFM que selon « les premiers renseignements » qui restent selon lui à être confirmés, l’embarcation est partie d’un quartier de pêcheurs de Dakar, Thiaroye, a « fait escale » à Yarakh, une autre zone de pêcheurs voisine, avant de finir à Ouakam.

Corps repêchés

Une embarcation en bois, supposée avoir transporté les migrants selon plusieurs témoins sur la plage, flottait sur l’eau, près de la côte. Un journaliste de l’AFP a vu les sapeurs-pompiers repêcher un corps et le déposer sur une bâche sur la plage.

PHOTO NGOUDA DIONE, REUTERS

« Ce matin, aux environs de 3 h 30, on nous a alertés pour un chavirement de pirogue au large de Ouakam. Immédiatement, on a dépêché sur les lieux deux équipes de plongeurs, quatre ambulances et on a démarré les opérations », a indiqué M. Ndione.

Quelques dizaines de badauds sur la plage regardaient le déroulement des opérations lundi matin, avant que la pluie n’interrompe temporairement les recherches. « C’est pénible tous ces morts qu’on voit », estime l’un d’entre eux, Amndy Moustapha Sène, 23 ans, qui vit du commerce et du jardinage et rêve de devenir footballeur professionnel.

« Je rêvais d’aller en Europe parce que l’horizon est bouché ici. J’étais prêt à embarquer dans une pirogue mais maintenant j’ai décidé d’émigrer par la voie légale quand l’opportunité se présentera. Je ne veux plus prendre une pirogue pour partir. Ça n’en vaut pas la peine », assure-t-il.

La route migratoire des Canaries, archipel espagnol et porte d’entrée vers l’Europe dans l’océan Atlantique, connaît ces dernières semaines un net regain d’activité au départ des côtes du nord-ouest de l’Afrique.

Plusieurs drames ont été recensés ces deux dernières semaines. Au moins 13 migrants des environs de Dakar sont morts dans le naufrage de leur embarcation il y a environ une semaine au large du Maroc. Un autre bateau a chaviré à Saint-Louis (Nord) faisant au moins 14 morts.

Intensification des contrôles

Jeudi en conseil des ministres, le chef de l’État Macky Sall « s’est incliné devant la mémoire des personnes décédées, suite aux récents accidents relevés en mer ».

Il a « demandé au gouvernement d’intensifier les contrôles au niveau des zones et sites potentiels de départ, mais également de déployer l’ensemble des dispositifs de surveillance, de sensibilisation et d’accompagnement des jeunes » en renforçant les programmes publics « de lutte contre l’émigration clandestine ».

Des ONG font régulièrement état de naufrages meurtriers — dont les bilans non officiels se chiffrent selon elles en dizaines, sinon centaines de morts — dans les eaux sénégalaises, marocaines, espagnoles ou internationales. Les autorités au Sénégal et au Maroc ne communiquent pas ou très peu sur ces bilans difficiles à évaluer.

La marine marocaine a annoncé mardi avoir porté secours ces derniers jours à près de 900 migrants irréguliers, la plupart d’Afrique subsaharienne, dont 400 dans les eaux territoriales.

Des opérations de recherches se sont aussi déroulées récemment en Espagne, pour retrouver des bateaux de migrants venant du Sénégal portés disparus et transportant plus de 300 personnes, selon l’ONG Caminando Fronteras.