(Nairobi) Ezekiel Odero, un des plus influents pasteurs protestants du Kenya, a comparu vendredi devant un tribunal, soupçonné d’être lié au « massacre de Shakahola », affaire portant sur la découverte de plus d’une centaine de corps dans une forêt du sud-est du pays.

Le chef du Centre de prière et Église de la Nouvelle Vie (New Life Prayer Centre and Church) a été arrêté jeudi. Le parquet a demandé son maintien en détention pour 30 jours supplémentaires pour permettre l’avancée des investigations.

Selon un document judiciaire consulté vendredi par l’AFP, le célèbre télévangéliste est visé par des enquêtes pour « meurtre », « aide au suicide », « enlèvement », « radicalisation », « crimes contre l’humanité », « cruauté envers des enfants », « fraude et blanchiment d’argent », entre autres.

Cette arrestation fait suite à l’emprisonnement d’un autre pasteur, Paul Mackenzie Nthenge, accusé d’avoir poussé ses adeptes à jeûner jusqu’à la mort « pour rencontrer Jésus ».

Plus d’une trentaine de fosses communes ont jusqu’à présent été découvertes dans la forêt de Shakahola, à environ 80 kilomètres de la ville côtière de Malindi où était basé Ezekiel Odero. Les opérations de recherche ont été suspendues vendredi en raison du mauvais temps.

PHOTO MAARUFU MOHAMED, ASSOCIATED PRESS

Le pasteur Ezekiel Odero escorté par un policier à Mombasa

Selon un bilan toujours provisoire, au moins 109 personnes ont trouvé la mort dans ce « massacre ». Mais toutes pourraient ne pas être des membres de l’Église Internationale de Bonne Nouvelle du pasteur Mackenzie.

« Informations crédibles »

« Il existe des informations crédibles reliant les corps exhumés […] à Shakahola » avec « plusieurs adeptes innocents et vulnérables [de l’église d’Odero] qui auraient trouvé la mort », affirme le parquet de Mombasa dans le document consulté par l’AFP. « La police a établi que plusieurs assassinats ont bien eu lieu dans l’enceinte du ministère de la Vie Nouvelle » dans la localité de Mavueni, non loin de Malindi.

Les enquêteurs veulent aussi vérifier des renseignements selon lesquels « après la mort des fidèles innocents et vulnérables [d’Odero], leurs corps ont été conservés dans une morgue privée […] avant d’être transportés et enterrés dans la forêt de Shakahola ».

Ancien pêcheur devenu « pasteur » il y a une quinzaine d’années, Ezekiel Odero est connu à travers le Kenya.

Sa chaîne YouTube compte un demi-million d’abonnés et il attirait les foules dans son église de Mavueni, qui peut accueillir jusqu’à 40 000 personnes.

L’épouse du vice-président Rigathi Gachagua était même apparue à ses côtés en décembre lors d’une de ses « croisades » (rassemblement géant) au stade Kasarani de la capitale Nairobi, le plus grand du pays (60 000 places).

Remaniement

Cette arrestation pourrait élargir l’enquête sur « le massacre de Shakahola » qui secoue le Kenya depuis une semaine, suscitant horreur, incompréhension et critiques envers les autorités.

PHOTO YASUYOSHI CHIBA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Vue sur une fosse commune dans la forêt de Shakahola

Dès lundi, le président William Ruto a promis des mesures contre ceux « qui veulent utiliser la religion pour promouvoir des idéologies louches et inacceptables », comparant Paul Mackenzie à un « terroriste ».

En visite dans la forêt de Shakahola pour la deuxième fois en moins d’une semaine, le ministre de l’Intérieur Kithure Kindiki a annoncé vendredi un vaste remaniement au sein des services de sécurité de la région avec le transfert des principaux responsables, sans plus de détail.

L’Autorité kényane de la communication a, elle, suspendu deux chaînes de télévision associées à Ezekiel Odero et Paul Mackenzie Nthenge pour avoir diffusé un « contenu inapproprié », notamment de l’exorcisme.

Les autorités sont sous le feu des critiques depuis la révélation du « massacre ».

Paul Mackenzie Nthenge avait en effet été arrêté en 2017, accusé de « radicalisation » parce qu’il prônait de ne pas scolariser les enfants, puis à nouveau en mars dernier, après la mort de deux enfants affamés par leurs parents liés à la secte.

Il avait été à chaque fois remis en liberté. En prison après s’être rendu à la police le 14 avril, il doit comparaître devant un tribunal le 2 mai.