(Bunia) Les civils du nord-est de la République démocratique du Congo (RDC) ont encore ces derniers jours payé un lourd tribut, avec plus de 60 morts en Ituri, aux attaques meurtrières des divers groupes armés qui sévissent dans la région depuis des années.

Dans cette province frontalière de l’Ouganda, 24 corps avaient été retrouvés dimanche et lundi dans le territoire de Djugu après des attaques de représailles attribuées à la Codeco (Coopérative pour le développement du Congo), une milice de plusieurs milliers d’hommes qui revendique protéger la tribu Lendu, face à la tribu Hema et à l’armée nationale.

Joint au téléphone par l’AFP, son chef militaire, Désiré Londroma, a revendiqué ces attaques « pour venger la mort » d’un enseignant Lendu tué selon lui dimanche par des miliciens Hema du groupe « Zaïre ».

Jeudi, « neuf corps », ceux de « deux femmes, cinq hommes et deux enfants », ont ensuite été retrouvés après de nouvelles attaques attribuées à la Codeco, a indiqué à l’AFP sous couvert d’anonymat un acteur humanitaire présent dans la zone.

D’autres attaques ont aussi eu lieu plus au sud, sur les rives du lac Albert qui marque la frontière avec l’Ouganda.

« Vendredi soir nous avons retrouvé cinq corps et samedi 16 autres », a déclaré Mibidjo Panga Mandro, chef de la chefferie de Bahema-Banywagi, où se sont déroulés les faits. Il précise que les miliciens Codeco sont toujours présents sur place, dans le village de Nyamamba, ce qui empêche de récupérer les corps pour les enterrer.

Et vendredi soir encore, le directeur de l’hôpital d’Aungba, dans le territoire de Mahagi, « a été tué, abattu par des hommes armés non identifiés », selon la société civile sur place.

« Ce sont les miliciens Hema du groupe Zaïre qui ont tué notre médecin », a affirmé le chef militaire de la Codeco, laissant entendre de possibles représailles.  

Par ailleurs mercredi, à l’extrême sud de la province, dans le territoire d’Irumu, « huit autres civils ont été assassinés, cette fois par les rebelles ADF », a déclaré à l’AFP Dieudonné Lossa, coordonnateur de la société civile de l’Ituri.

Protection des Casques bleus

Les Forces démocratiques alliées (Allied Democratic Forces, ADF) sont un groupe armé d’origine ougandaise, présent dans l’est de la RDC depuis 25 ans, qui a prêté allégeance à l’État islamique.

Ces vastes provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu sont en proie depuis des années aux violences de groupes armés qui cherchent à contrôler des territoires pour des motifs ethniques et/ou pour en extraire les riches ressources du sol, souvent encouragés et financés par les pays voisins.

Au Nord-Kivu, le Rwanda est accusé par Kinshasa et les pays occidentaux de soutenir la rébellion tutsi du M23, qui s’est emparée ces derniers mois d’une large portion d’un territoire au nord de Goma.  

Dieudonné Lossa regrette que les effectifs des forces armées de RDC aient été récemment « réduits » en Ituri, pour en « ramener » plus au sud au Nord-Kivu « pour combattre le M23 ». Il souhaite interpeller le président congolais Félix Tshisekedi sur « ce qu’il se passe en Ituri ».

Après les attaques des Codeco, des dizaines de milliers de personnes, majoritairement Hema, ont fui leurs villages pour chercher la protection des Casques bleus de l’ONU dans le camp de Rhoo, à 45 km de Bunia.

« La population du camp a plus que doublé », s’alarme sur Twitter Médecins sans frontières (MSF), une des rares ONG encore présentes sur place, et « plus de 70 000 personnes » y sont désormais « rassemblées dans des conditions désastreuses ».

Il y a un an déjà, les Codeco avaient semé la terreur dans les camps de déplacés et les villages Hema autour de Rhoo, tuant, violant et mutilant des dizaines de civils.

Ils étaient représentés à la session de pourparlers de paix organisée fin novembre à Nairobi, au Kenya, avec des dizaines d’autres groupes armés de l’est de la RDC. Les « Zaïre » avaient eux décliné l’invitation.