(Paris) Treize militaires français de la force Barkhane ont péri au Mali dans la collision de deux hélicoptères lors d’une opération de combat contre des djihadistes, dans un contexte de forte insécurité au Sahel.

Il s’agit du plus lourd bilan humain essuyé par les militaires français depuis le début de leur déploiement au Sahel en 2013, et l’une des plus grandes pertes de l’armée française depuis l’attentat contre le QG français Drakkar à Beyrouth en 1983, qui avait fait 58 morts.

L’accident est survenu lundi soir pendant une «opération de combat» dans le Liptako, dans la région de Ménaka, aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso. La force antidjihadiste française Barkhane y mène régulièrement des opérations contre les groupes armés, dont le groupe État islamique au Grand Sahara (EIGS).

«Ces treize héros n’avaient qu’un seul but : nous protéger», a réagi sur Twitter le président Emmanuel Macron. La ministre des Armées, Florence Parly, déplorait une «terrible nouvelle» et annonçait l’ouverture d’une enquête sur les circonstances de l’accident.

L’efficacité et les marges de manœuvre de l’armée française sont mises à rude épreuve par la détérioration sécuritaire au Sahel. Interpellé à l’Assemblée nationale par un député de l’opposition de gauche radicale sur la stratégie de la France dans la zone, le premier ministre, Édouard Philippe, a martelé que l’action militaire était «indispensable».

À Pau, ville du sud-ouest où sept des militaires étaient basés, une minute de silence a été observée devant l’hôtel de ville aux drapeaux en berne.

Dans l’assistance, René Martinet, ancien pilote à Pau, entre 1978 et 1983, tenait à être présent, en tant qu’ancien combattant. «Je sais ce que c’est que de perdre des camarades».

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À Pau, une minute de silence a été observée mardi soir.

Le gouvernement du Mali et le président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré, ont exprimé leur solidarité avec la France, dont les militaires combattent les djihadistes aux côtés de leurs armées nationales.

Parmi les victimes se trouve le fils de l’ancien ministre et sénateur français Jean-Marie Bockel.

«Notre peine est immense. Notre fils était un des deux pilotes, celui du Cougar, une machine qu’il connaissait bien, c’était la 4e fois qu’il venait en “opex” (en opération extérieure) au Mali», a déclaré M. Bockel à BFMTV à propos de son fils Pierre, 28 ans.

«Il forçait notre admiration, il savait ce qu’il voulait, il était à son affaire, heureux de faire ce qu’il faisait, et quand il nous parlait de ses “opex” il avait plutôt tendance à nous rassurer, à minimiser les risques, évidemment, comme le fait un fils envers ses parents», a encore raconté Jean-Marie Bockel, ancien secrétaire d’État chargé de la Défense (2008-2009).

Sept des militaires tués appartenaient au 5e régiment d’hélicoptères de combat de Pau, et quatre autres au 4e régiment de chasseurs de Gap.

Le général François Lecointre, chef d’état-major des Armées, a précisé que «des commandos parachutistes avaient observé, lundi vers 17h15, un groupe d’ennemis équipé d’une camionnette et de plusieurs motos». 

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Les soldats décédés lundi, de haut en bas et de gauche à droite : Julien Carrette, Nicolas Mégard, Andreï Jouk, Pierre Bockel, Clément Frison-Roche, Benjamin Gireud, Alex Morisse, Romain Chomel de Jarnieu, Valentin Duval, Alexandre Protin, Antoine Serre, Romain Salles de Saint-Paul et Jérémy Leusie.

«Ils sont entrés en contact par le feu avec cet ennemi […] et ont fait appel à des moyens aériens», a-t-il ajouté. Deux hélicoptères Tigre et un Cougar sont arrivés rapidement sur zone.  

«Pendant cette opération de reconnaissance de nuit, pour repérer la camionnette qui s’enfuyait vers le nord, les commandos au sol ont entendu deux explosions. Ils ont pensé qu’elle était due à une collision en vol entre deux appareils. L’information est confirmée rapidement par le Tigre qui reste en vol», a ajouté le général Lecointre.

41 Français tués au Sahel

Cet accident porte à 41 le nombre de militaires français tués au Sahel depuis le début de l’intervention française en 2013, avec l’opération Serval, selon un comptage effectué à partir de chiffres publiés par l’état-major.  

L’opération Barkhane, qui a succédé à Serval depuis août 2014, mobilise 4500 militaires français dans la bande sahélo-saharienne, une étendue vaste comme l’Europe, en soutien aux armées nationales qui combattent des djihadistes affiliés au groupe État islamique (EI) ou à Al-Qaïda.

Mais six ans après le début de l’intervention française, les violences djihadistes persistent dans le nord du Mali et se sont propagées au centre du pays ainsi qu’au Burkina Faso et au Niger voisins. Depuis 2012, les hostilités, doublées de violences intercommunautaires, ont fait des milliers de morts et déplacé des centaines de milliers de civils.

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Des membres de l'opération Barkhane dans le nord du Burkina Faso, début novembre.

Et malgré les efforts de formation déployés par l’Union européenne, la Mission des Nations unies au Mali (MINUSMA) et Barkhane, les armées nationales des pays sahéliens, parmi les plus pauvres au monde, semblent incapables d’enrayer la progression des attaques.

Quarante-trois soldats maliens ont été tués mi-novembre dans une attaque dans l’est du pays, près de la frontière nigérienne, s’ajoutant à une centaine de militaires maliens morts dans deux attaques djihadistes en un mois cet automne dans les mêmes confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso.