Durant le ramadan, les musulmans ne peuvent manger pendant la journée. Beaucoup de pays musulmans interdisent donc de manger ou de boire en public. Une loi de ce genre est contestée bruyamment par un groupe de Marocains. Le gouvernement islamiste a prévenu qu'il sévirait contre les contrevenants.

Ils se nomment «Masayminch», ce qui signifie «nous ne jeûnons pas» en dialecte marocain. Ce groupe de Marocains veut défendre les droits des Marocains qui ne respectent pas le ramadan. Sa fronde survient quelques mois après le suicide d'une adolescente forcée à marier son violeur sur la base d'une jurisprudence islamiste et la victoire de partis islamistes aux élections.

«Depuis une vingtaine d'années, il y a de plus en plus d'intolérance et d'intégrisme islamique», explique l'un des membres de la page Facebook de Masayminch, un agriculteur berbère de 45 ans qui ne veut pas donner son nom parce que sa famille ne sait pas qu'il est athée. «Quand j'étais jeune, on taquinait les gens qui mangeaient en public le jour durant le ramadan, on leur disait: «Quelle honte.» Maintenant, il y a de l'agressivité.»

L'attaque contre le ramadan (il n'est permis de manger que durant la nuit) a commencé il y a trois ans. Le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI) avait convié ses membres à un pique-nique dans un bois de la ville de Mohammédia. La police les attendait à la descente du train et a arrêté une journaliste marocaine. «Maintenant, on veut éviter les désordres, alors le MALI a eu l'idée de la page Facebook Masayminch», dit l'agriculteur berbère, joint par téléphone. «En théorie, les membres envoient des photos d'eux-mêmes en train de manger durant le jour, mais je n'en ai pas vu beaucoup.»

La page Facebook de Masayminch n'a que 373 membres, mais les deux pages Facebook «contre Masayminch» n'en ont guère plus. Les médias marocains ont rapporté deux événements liés à la controverse, l'arrestation de quatre personnes surprises à manger et une tentative alléguée de meurtre par le fils d'un député, qui aurait tenté de renverser avec sa voiture des gens qui mangeaient. Le ramadan finit au début de la semaine prochaine. Les étrangers peuvent manger au restaurant le jour durant le ramadan, mais à l'intérieur. Comme les restaurateurs ont peur d'avoir des plaintes s'ils servent des Marocains, ils demandent parfois leurs papiers à leurs clients, a rapporté le quotidien catholique La Croix en 2009.

Marre

«Je crois que MALI et Masayminch sont apparus parce que les gens qui ne sont pas pratiquants ou qui sont carrément athées en ont marre», dit l'agriculteur berbère, qui auparavant était informaticien. «Il y a eu l'adolescente violée qui s'est suicidée. Et depuis quelques mois sévit à Tiznit un homme qui donne des coups de couteau dans les fesses des filles qu'il juge trop sexy. On l'appelle le monsieur à vélo. C'est très inquiétant.»

Selon Susan Miller, une historienne de l'Université de Californie à Davis qui est l'auteure du livre A History of Modern Morocco, les groupes anti-jeûne pourraient constituer une réaction «politique» à l'élection d'un gouvernement dominé par les partis islamistes. «Paradoxalement, c'est un signe de la relative permissivité du Maroc depuis les années 80», dit Mme Miller en entrevue téléphonique. «Il y a une quantité de groupes qui défendent différents points de vue et intérêts particuliers et une liberté de la presse relative pour un pays musulman. Et il faut convenir que l'obligation de ne pas manger en public durant le ramadan n'est pas une entrave grave aux droits de l'homme.»