Le roi Mohammed VI du Maroc a nommé mardi comme premier ministre Abdelilah Benkirane, le chef du parti Justice et développement (PJD, islamiste modéré) dont la formation fait sa première entrée dans un gouvernement.

«Le Roi Mohammed VI a reçu mardi en début d'après-midi à Midelt (centre), Abdelilah Benkirane, secrétaire général du PJD, et l'a nommé chef du gouvernement, conformément aux dispositions de la nouvelle Constitution. Il l'a également chargé de former le nouveau gouvernement», indique un communiqué du palais.

Le PJD qui a obtenu 107 des 395 sièges lors des élections législatives anticipées du 25 novembre va pour la première fois diriger un gouvernement de coalition, sous le contrôle du roi, comme le veut la constitution.

Un journaliste sur place a précisé à l'AFP que M. Benkirane (57 ans) a prêté serment devant le roi lors d'une brève cérémonie.

Né à Rabat dans un quartier populaire, M. Benkirane, qui est membre du Conseil supérieur de l'enseignement, est marié et père de six enfants.

Les islamistes modérés vont diriger pour la première fois un gouvernement qui sera étroitement contrôlé par le roi, comme le veut la constitution.

Renforçant la démocratie, la nouvelle constitution, proposée par le roi et adoptée par référendum en juillet, prévoit en effet que le souverain désigne le chef du gouvernement au sein du parti arrivé en tête des élections législatives.

Le PJD a plus que doublé sa représentation parlementaire, qui était de 47 députés dans l'ancienne chambre qui en comptait 325.

M. Benkirane, qui a été reçu seul par le roi, était accompagné par un des dirigeants du parti islamiste Saadedine Othmani.

Trois partis de l'actuel gouvernement -l'Istiqlal (indépendant, 60 sièges), le Rassemblement national des indépendants (libéral, 52 sièges) et l'Union socialiste des forces populaire (39 sièges)- se sont dits ouverts à des consultations avec le PJD, selon la presse marocaine.

Les spéculations vont bon train sur la composition de la nouvelle équipe, qui devrait inclure des indépendants et des technocrates, selon la presse marocaine.

Le parti du Rassemblement National des indépendants (RNI) du ministre de l'Économie et des Finances, Salaheddine Mezouar, a déjà annoncé qu'il rejoignait les rangs de l'opposition, dans un communiqué.

Une réunion se serait tenue lundi soir au sein de la coalition de «la Qoutla» qui regroupe trois partis qui étaient au gouvernement sortant pour arrêter une position commune sur l'entrée au gouvernement, croit savoir le quotidien Al Massaa (Le soir).

Créée en 1992 pour appeler à une réforme de la constitution, cette coalition est formée de l'Istiqlal, l'Union socialiste des forces populaires (USFP) et du Parti du progrès et du socialisme (PPS, ex-communiste). Ces trois partis détiennent 164 sièges dans le nouveau parlement.

M. Benkirane a d'ores et déjà indiqué qu'il allait se concerter avec la Qoutla.

Le journal Al Sabah indique pour sa part que Aziz Akkhenouch, richissime homme d'affaires et ministre de l'Agriculture dans l'actuel gouvernement ainsi que membre du RNI pourrait faire partie du gouvernement bien que son parti ait rejoint l'opposition.

Avant sa nomination, M. Benkirane a par ailleurs adopté un ton plus conciliant à l'égard du Mouvement du 20 février, né dans le sillage du printemps arabe, et qui a appelé au boycottage des législatives.

Ce mouvement de contestation populaire regroupe des islamistes fondamentalistes (tolérés mais non reconnus) de l'association Al Adl Wal Ihsan (Justice et spiritualité), des jeunes indépendants et des partis de gauche.

«Nous invitons nos frères d'Al Adl Wal Ihsan à revoir leur position de rupture à la lumière de la large victoire du PJD» aux élections, a-t-il dit dans un discours prononcé après l'annonce des résultats du scrutin.