Même s'ils sont menacés d'extinction, les éléphants sont aujourd'hui trop nombreux, selon des experts, dans les grands parcs d'Afrique du Sud. Pour venir à bout du problème, les autorités du pays planifiaient depuis 2008 de faire renaître une vieille pratique impopulaire : l'abattage de pachydermes. Un ballon de soccer leur a bloqué le chemin.

Au milieu de la clairière, la Jeep s'immobilise. Juste devant, sur la route, une dizaine d'éléphants engloutissent les herbes et les arbrisseaux qui se trouvent sur leur passage. Émerveillés, les touristes prennent des photos à qui mieux-mieux. Les autorités des parcs nationaux d'Afrique du Sud, elles, voient les choses d'un autre oeil.

 

«Nous n'avons pas de problèmes majeurs ici à Pilanesberg, mais dans des parcs comme le parc Kruger, la surpopulation d'éléphants inquiète de plus en plus», explique Philipp, le guide du safari, perché à l'avant du véhicule. «Les éléphants mangent jusqu'à 300 kg de végétation par jour. Trop nombreux, ils font de véritables dégâts.»

À eux seuls, les éléphants peuvent transformer un bout de savane en clairière désertique en peu de temps. Affamés, ils peuvent s'en prendre aux fermes à proximité des parcs nationaux.

Dans les années 70, quand ils s'inquiétaient de la surpopulation d'éléphants dans un endroit donné, les Sud-Africains éliminaient des hordes entières de pachydermes. D'un hélicoptère, un tireur à vue abattait la femelle dominante d'un groupe d'éléphants et ceux qui l'entouraient. «L'abattage était alors commun. Les spécialistes ont remarqué que les éléphants qui survivaient étaient complètement désorientés et délinquants; ils tuaient notamment des rhinocéros qui ne voulaient pas s'accoupler avec eux», se souvient Dave Johnson, gestionnaire du Kwa Maritane Lodge, un hôtel quatre étoiles qui accueille les visiteurs du parc national de Pilanesberg.

 

Moratoire levé

Aussi controversée que la chasse aux phoques dans l'Arctique canadien, la pratique a été interdite en 1995. Résultat: le parc Kruger, qui avait une population de 8000 éléphants au début du moratoire, en comptait près de 12 500 en 2008. Si la tendance se poursuit, on comptera 34 000 pachydermes dans ce paradis du safari d'ici 2020.

Conscients qu'une telle population d'éléphants sans prédateurs naturels aurait des effets désastreux sur la biodiversité des parcs, les autorités ont mis au point en 2008 un plan de gestion. Ils ont ouvert les frontières des parcs avec les pays avoisinants comme le Mozambique et le Zimbabwe afin que les gros mammifères se promènent plus librement. Ils ont déplacé certaines bêtes dans les parcs et les réserves qui pouvaient en accueillir davantage et ont introduit un programme de contraception et des vasectomies sélectives. Mais ils ont aussi levé le moratoire sur l'abattage, promettant d'utiliser cette méthode en dernier recours.

La levée de boucliers ne s'est pas fait attendre. Des organismes de défense des animaux et des scientifiques ont dénoncé l'idée, la qualifiant d'injustifiée et de cruelle. Certaines organisations, dont Animal Rights Africa, ont menacé de lancer une campagne de boycottage du tourisme dans le pays de Nelson Mandela.

Les dirigeants des parcs nationaux n'ont pas manqué de répondre à leurs détracteurs. «Nous n'aimons pas l'idée d'abattre des éléphants au Parc national Kruger, mais nous croyons que c'est notre devoir», a écrit dans un éditorial David Mabunda, grand patron des Parcs nationaux d'Afrique du Sud.

Malgré la fin du moratoire, aucun éléphant n'a encore été abattu. La raison? Avec l'avènement de la Coupe du monde de soccer, qui y aura lieu du 11 juin au 11 juillet, l'Afrique du Sud, qui reçoit déjà 9 millions de touristes par année, attend l'arrivée de centaines de milliers de visiteurs de plus cette année. La plupart d'entre eux feront un séjour dans un des parcs nationaux pour y admirer les «Big Five» (cinq gros): lions, rhinocéros, buffles, girafes et éléphants. Fuyant la mauvaise publicité, les autorités ont décidé de remettre à plus tard l'abattage.

Un répit pour les éléphants, qui continueront de faire la loi dans la savane tant que les ballons de soccer rouleront.