Le commandant de la force ONU-UA de maintien de la paix au Darfour a imputé la prolongation du conflit dans cette province de l'ouest du Soudan à des «erreurs» de la communauté internationale, estimant qu'il n'y avait pas de perspective de paix dans l'immédiat.

«Honnêtement, je ne vois aucune perspective de paix dans l'immédiat au Darfour car il y a beaucoup trop d'intérêts» en jeu, a dit le général Agwai dans une interview à la BBC et l'AFP au QG de la mission hybride ONU-Union africaine, la Minuad, à El-Facher.

Les déclarations du général nigérian interviennent alors que le gouvernement du Soudan tente de trouver un règlement au conflit, dans l'espoir d'obtenir la suspension d'éventuelles mesures judiciaires internationales à l'encontre du chef de l'État, Omar el-Béchir, pour crimes de guerre.

Le conflit a éclaté il y a plus de cinq ans entre rebelles et forces gouvernementales soutenues par des milices arabes locales.

«Il existe également des luttes entre les mouvements (rebelles) et entre toutes les parties», a-t-il souligné.

«Avec cela, je ne vois pas la paix dans l'immédiat», a-t-il ajouté.

«Quand il n'y a pas d'accord, même pas sur la manière de négocier, cela peut durer très longtemps et c'est bien ça qui m'inquiète», a insisté le commandant de la Minuad.

Il existe plus d'une vingtaine de mouvements rebelles pour une population de six millions de personnes, souligne le général, relevant que le conflit n'était plus simplement «Africain contre Arabe», mais des luttes impliquant Africains, Arabes et des signataires rivaux d'accords de paix passés.

Il a accusé la communauté internationale de n'avoir pas traduit avec la même force sur le terrain et dans le processus de paix son engagement massif proclamé pour le Darfour.

Le général a affirmé que des erreurs commises par la communauté internationale avaient prolongé le conflit.

«Elles l'ont prolongé dans la mesure où la réaction a été lente. Si on avait fait preuve depuis le premier jour d'un engagement constructif, nous aurions peut-être aujourd'hui dépassé la situation actuelle», a-t-il dit.

«À présent nous prenons le temps de corriger» les erreurs.

Le général nigérian a également souligné que Djbril Bassole, médiateur en chef conjoint de la Minuad, qui a pris ses fonctions en août, a souhaité qu'il devienne le point de convergence d'une pléthore d'initiatives naissantes pour mettre fin au conflit.

Si nous leur permettons aux différents acteurs d'agir sans coordination, «je ne vois pas comment il peut y avoir des progrès», a dit le général Agwai.

En septembre, la Ligue arabe a décidé la mise sur pied d'un comité ministériel sur le Darfour présidé par le Qatar et dont les autres membres seront l'Algérie, l'Arabie saoudite, l'Égypte, la Libye et la Syrie.

Sa mission sera de superviser des négociations de paix sur le Darfour en collaboration avec le médiateur de l'ONU et de l'Union africaine. Cette initiative de la Ligue a d'ores et déjà été rejetée par certains groupes rebelles.

Le président Béchir de son coté est censé lancer jeudi l'Initiative du Peuple du Soudan rassemblant différentes forces politiques du pays dans l'espoir de parvenir à un accord de paix.

Selon le général Agwai, la coopération avec le gouvernement est plus étroite, après le tollé soulevé à la suite d'une attaque ayant tué en juillet sept soldats de la Minuad.

Une semaine après, le procureur de la Cour pénale internationale avait demandé un mandat d'arrêt contre le président Béchir pour crimes de guerre, génocide et crimes contre l'humanité au Darfour.

M. Agwai a indiqué que depuis, «les choses ont pris une nouvelle forme et (donné lieu à) une nouvelle entente ainsi que de nombreuses nouvelles initiatives», du gouvernement à l'égard de la Minuad notamment.

Le conflit au Darfour a fait plus de 300 000 morts selon l'ONU, 10 000 selon Khartoum.