Tout en maintenant un dialogue diplomatique de haut niveau avec la Chine, les États-Unis multiplient les alliances sécuritaires pour décourager les visées expansionnistes régionales de la superpuissance asiatique.

L’approche irrite Pékin, qui lance des mises en garde à Washington relativement à la nécessité de respecter ses « droits légitimes » en matière de développement.

Le sujet a notamment été discuté vendredi lors d’une rencontre en haut lieu entre le président chinois, Xi Jinping, et le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, qui a critiqué les actions musclées du pays en mer de Chine méridionale.

« J’ai clairement indiqué […] que nos engagements en matière de défense des Philippines demeuraient inébranlables », a prévenu le diplomate en écho à de récents accrochages survenus à proximité d’une épave occupée par des militaires philippins dans l’archipel des Spratleys.

Le gouvernement chinois aspire à contrôler la circulation maritime en mer de Chine méridionale et a développé des infrastructures militaires stratégiques sur plusieurs îlots tout en maintenant la pression sur les États qui ont des revendications territoriales contraires aux siennes.

Des alliances à la pelle

Kharis Templeman, spécialiste de l’Asie rattaché à l’Université Stanford, note que plusieurs pays de la région sont inquiets des plans de Pékin et ont choisi de renforcer leurs liens avec les États-Unis pour se prémunir contre toute agression future.

Leur situation reflète celle de Taïwan, qui mise sur la protection américaine pour contrer une éventuelle tentative d’invasion chinoise.

Les Philippines, qui s’étaient rapprochées de Pékin sous la direction de l’ex-président Rodrigo Duterte, ont notamment changé complètement de cap avec l’arrivée au pouvoir de Ferdinand Marcos Jr.

Ce dernier s’est rendu dans la capitale américaine il y a quelques semaines pour annoncer en grande pompe le lancement d’un partenariat sécuritaire tripartite avec les États-Unis et le Japon, un allié américain de longue date.

Le premier ministre japonais, Fumio Kishida, a souligné à cette occasion que la Chine représentait le « plus important défi stratégique » pour son pays et la communauté internationale dans son ensemble.

Les États-Unis avaient annoncé en août une autre entente tripartite avec la Corée du Sud et le Japon, qui ont longtemps été en froid en raison des exactions survenues durant la Seconde Guerre mondiale.

Ces rapprochements s’ajoutent à une alliance stratégique conclue il y a quelques années avec l’Australie et le Royaume-Uni, qui doit mener notamment au positionnement de sous-marins nucléaires américains à Perth.

Une arme à double tranchant

Dans une lettre ouverte parue cette semaine dans le New York Times, deux spécialistes de l’Asie ont souligné que les efforts de Washington pour développer ses alliances dans la région Asie-Pacifique et sa capacité d’intervention face à Pékin représentaient un « jeu dangereux ».

Il est possible, préviennent Mike Mochizuki et Michael D. Swaine, que la Chine réagisse en dédoublant ses efforts pour faire croître ses propres capacités militaires et décide même d’intensifier le recours à la force pour faire avancer ses revendications territoriales.

La région pourrait devenir « encore plus divisée et dangereuse qu’elle ne l’est aujourd’hui » sur fond de course à l’armement, jugent les chercheurs, qui s’alarment de la possibilité qu’un « accident militaire » ou un « incident politique » entraîne une guerre régionale.

L’intensification des efforts diplomatiques avec Pékin est la voie à suivre pour éviter un tel scénario, plaident-ils.

Tenir tête à Pékin

Kharis Templeman note qu’il est peu probable qu’un conflit entre superpuissances soit déclenché de manière accidentelle.

Les États-Unis, dit-il, ne peuvent faire autrement, par ailleurs, que de renforcer leur position militaire dans la région Asie-Pacifique pour influer sur le comportement de Pékin.

June Dreyer, spécialiste de l’Asie rattachée à l’Université de Miami, est du même avis.

« C’est très bien d’avoir plus de dialogue, mais ça ne va pas changer les esprits », relève l’analyste, qui juge impératif pour l’administration américaine de faire preuve de fermeté face à Pékin.

L’expérience des 40 dernières années a montré hors de tout doute, selon elle, que le régime communiste voit toute concession comme un « signe de faiblesse » et une invitation à pousser plus avant.

« Lorsqu’une concession est faite, ils l’empochent et mettent d’autres demandes sur la table. Il n’y a pas de réciprocité », prévient Mme Dreyer.

« L’idée que les efforts américains dans la région pour inciter Pékin à la retenue vont avoir l’effet inverse ne tient pas la route. Si rien n’est fait, le régime chinois va simplement continuer ses actions agressives », conclut-elle.

Lisez la lettre ouverte publiée dans le New York Times (en anglais ; abonnement requis)