(Brasilia) Jusqu’à 17 ans de prison ont été infligés jeudi à trois partisans de l’ex-président brésilien Jair Bolsonaro, reconnus coupables de tentative de coup d’État lors des émeutes de Brasilia en janvier.  

Une large majorité des 11 magistrats de la Cour suprême a jugé Aecio Lucio Costa Pereira, 51 ans, et Thiago Mathar, 43 ans, coupables des cinq charges qui pesaient contre eux. Ils ont respectivement été condamnés à 17 et 14 ans de prison.  

Plus tard jeudi soir, la Cour a également condamné Matheus Lima de Carvalho à 17 ans de prison.  

Le 8 janvier « n’a pas été une promenade du dimanche. Cela a été un dimanche de dévastation, le jour de l’infamie », a lancé Rosa Weber, présidente de la plus haute juridiction du pays, où ce premier procès d’émeutiers bolsonaristes avait débuté mercredi.

Une semaine après l’investiture du président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, des milliers de personnes refusant d’accepter son élection face à Jair Bolsonaro avaient déferlé sur l’emblématique place des Trois pouvoirs à Brasilia, cœur de la démocratie brésilienne.

Les manifestants ont envahi le palais présidentiel, le Parlement et la Cour suprême, dans des scènes qui ont rappelé l’assaut du Capitole à Washington par des partisans de Donald Trump le 6 janvier 2021.

Les dégâts avaient été considérables, avec, au-delà des vitres brisées ou des sièges arrachés, la destruction d’œuvres d’art d’une valeur inestimable, dans des bâtiments futuristes dessinés par l’architecte Oscar Niemeyer.

« Actes criminels »

Aecio Lucio Costa Pereira, originaire de l’État de Sao Paulo, a été reconnu coupable notamment de tentative de coup d’État, d’association criminelle et de détérioration de patrimoine public classé.

Il devra par ailleurs payer une amende, et contribuer à une indemnisation « pour préjudice moral et dégâts matériels collectifs » de 30 millions de réais (environ 5,8 millions d’euros), avec les autres personnes condamnées pour ces émeutes.

« L’objectif était, en faisant usage de la violence, de mettre Brasilia en état de siège et de propager dans tout le pays la pratique d’actes criminels qui portent atteinte à l’État de droit », a dénoncé le juge Cristiano Zanin.

Pour le juge rapporteur Alexandre de Moraes, les manifestants voulaient « convaincre l’armée d’adhérer à un coup d’État ».

Il a montré une vidéo partagée par Aecio Lucio Costa Pereira sur les réseaux sociaux dans laquelle il s’était filmé dans l’hémicycle du Sénat, célébrant l’invasion et portant un t-shirt flanqué des mots « Intervention militaire ».

Son avocat a affirmé lui que son client était victime d’un « procès politique » et que contrairement à d’autres bolsonaristes, il n’a « pas commis le moindre acte de violence ».

« Un Brésil meilleur »

Le deuxième condamné, Thiago Mathar, a été vu dans l’enceinte du palais présidentiel durant les émeutes.

D’après sa défense, il n’y serait entré que pour se mettre à l’abri lors d’affrontements entre la police et les émeutiers sur la place des Trois pouvoirs.

« Il voulait juste un Brésil meilleur, il n’était pas là pour semer le désordre », a dit son avocat.

Cela n’a pas empêché la majorité de juges de le condamner à une peine de 14 ans de réclusion.  

Pendant le procès du troisième émeutier, Matheus Lima de Carvalho, le juge rapporteur a montré des images qu’il a envoyées à sa compagne, dans lesquels il préconisait de « tout casser » pour que « l’armée entre » en action.  

Au total, le parquet brésilien a engagé des poursuites contre 232 personnes.  

Jeudi, la police brésilienne a arrêté à Foz de Iguazu (Sud) trois personnes soupçonnées d’avoir participé aux émeutes.

Pendant les émeutes, les forces de l’ordre avaient semblé totalement dépassées, alors que des services de renseignement avaient signalé l’arrivée massive de partisans de l’ancien chef de l’État par autocar la veille dans la capitale politique.

Cette impréparation avait d’autant plus surpris que les bolsonaristes étaient mobilisés dès le lendemain de sa défaite à la présidentielle d’octobre, manifestant devant des casernes pour réclamer une intervention militaire.

Jair Bolsonaro, qui se trouvait aux États-Unis le 8 janvier, est sous le coup d’une enquête visant à découvrir s’il a joué un rôle d’instigateur des violences. Il nie catégoriquement toute implication.  

Fin juin, il a été condamné à huit ans d’inéligibilité pour avoir disséminé de fausses informations sur le système électoral avant le scrutin.

Les enquêteurs se penchent aussi sur les responsabilités au sein de l’armée et de la police dans les évènements du 8 janvier.

Le mois dernier, des membres du haut commandement de la police militaire de Brasilia ont été arrêtés pour « omission », le parquet évoquant par ailleurs une « profonde contamination idéologique » au sein des forces de l’ordre.