(Pékin) La probable absence du président chinois Xi Jinping au sommet du G20 en Inde le week-end prochain met en lumière les tensions entre la Chine et son voisin, dans un contexte de rivalité entre ces deux puissances en Asie, selon des experts.

La Chine a annoncé lundi que son premier ministre, Li Qiang, se rendrait à New Delhi les 9 et 10 septembre, sans toutefois dire s’il remplacera formellement Xi Jinping ni pour quelles raisons le chef d’État chinois manquerait ce G20.

Depuis son arrivée au pouvoir il y a une décennie, Xi Jinping n’a jamais raté ce rendez-vous. Même durant la pandémie en 2021, l’homme fort de Pékin avait fait une intervention vidéo faute de pouvoir se déplacer à Rome.

Une absence au G20 cette année contrasterait avec sa présence remarquée le mois dernier en Afrique du Sud pour un sommet des BRICS – groupe de cinq économies émergentes (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).

Le président chinois était alors au centre de l’attention pour l’élargissement « historique », selon ses mots, à six nouveaux membres de cette organisation dont la Chine est co-fondatrice.

« Le G20 n’est pas […] un groupe que la Chine peut dominer » de la même manière et c’est pourquoi Xi Jinping « ne lui accorde pas la même importance », estime le sinologue Steve Tsang, de l’institut SOAS China à l’Université de Londres.

À l’inverse, Pékin renforce ses liens avec les pays émergents, dont les BRICS, pour « créer une alternative […] à l’ordre international libéral dominé par les États-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale », indique M. Tsang à l’AFP.

« Pas vraiment une surprise »

L’absence de Xi Jinping au G20 est « une déception mais pas vraiment une surprise », relève l’analyste Yun Sun, du programme Chine au Stimson Center, un centre de réflexion américain.  

« Depuis 2020, les relations entre la Chine et l’Inde ne sont pas au beau fixe », souligne-t-elle en référence à l’affrontement frontalier sur les hauteurs de l’Himalaya qui avait coûté la vie à 20 soldats indiens et au moins quatre militaires chinois.

« La Chine se plaint que l’Inde utilise le G20 pour affirmer ses prétentions concernant des différends territoriaux », estime Mme Sun.

Pékin est également irrité par l’appartenance de New Delhi au « Quad », une alliance stratégique informelle formée avec les États-Unis, l’Australie et le Japon pour contrer l’influence militaire et économique de la Chine.

L’Inde manifeste aussi « une opposition plus forte aux revendications de la Chine concernant la mer de Chine méridionale », remarque Shi Yinhong, professeur de relations internationales à l’université Renmin à Pékin.

La mer de Chine méridionale est régulièrement une source de tensions entre Pékin, qui revendique la quasi-totalité des îles et récifs de cette vaste étendue d’eau riche en ressources naturelles, et les pays riverains.

« Ces problèmes existent depuis des années et perdureront », prévient M. Shi.

« Questions gênantes »

Interrogée précisément sur les raisons d’une absence de Xi Jinping en Inde, une porte-parole de la diplomatie chinoise, Mao Ning, a botté en touche lundi.

« J’ai fait une annonce à ce sujet », s’est-elle contentée de répondre devant la presse, après avoir présenté le déplacement du premier ministre chinois Li Qiang en Inde.

En dehors de communiqués officiels, le Parti communiste au pouvoir en Chine est généralement peu loquace sur l’emploi du temps de ses dirigeants. Et tout imprévu met parfois la communication officielle dans l’embarras.

Pékin avait ainsi peiné à justifier l’absence inexpliquée durant un mois de son désormais ex-ministre des Affaires étrangères Qin Gang. Il a depuis été remplacé en juillet par son prédécesseur Wang Yi, sans plus d’explications.

L’absence pressentie du président chinois au sommet du G20 ferme la porte à une opportunité de renouer le dialogue avec les puissances occidentales, en particulier le rival américain.  

Le président Joe Biden s’est dit dimanche « déçu » de ne pas pouvoir revoir son homologue chinois. Leur dernière rencontre en tête-à-tête remonte à novembre dernier à Bali en Indonésie.

« Il y a de fortes chances » que l’absence en Inde de Xi Jinping, 70 ans, soit due à « son état de santé », suppose Steve Tsang auprès de l’AFP.

Un diplomate d’un pays du G20 remarque pour sa part que la position de la Chine vis-à-vis de la Russie et du conflit en Ukraine peut s’avérer délicate à défendre lors d’un sommet international, où des pays occidentaux seront représentés.

« L’empereur n’aime pas qu’on lui pose des questions gênantes », estime ce diplomate sous couvert de l’anonymat.