Zelensky appelle les États-Unis à « en faire plus »

(New York) Dans un discours émouvant prononcé depuis la capitale bombardée de son pays, Volodymyr Zelensky a évoqué mercredi deux des attaques les plus traumatisantes de l’histoire des États-Unis afin de convaincre Joe Biden et le Congrès américain d’« en faire plus » pour aider l’Ukraine dans son combat contre la Russie.

« Souvenez-vous de Pearl Harbor, le terrible matin du 7 décembre 1941, lorsque votre ciel était noir à cause des avions qui vous attaquaient », a d’abord dit le président ukrainien, vêtu d’un t-shirt kaki, en s’adressant par visioconférence aux membres du Congrès qui venaient de l’ovationner. « Souvenez-vous du 11-Septembre, terrible jour de 2001 où le mal a tenté de transformer vos villes […] en champs de bataille. »

« Notre pays vit la même chose tous les jours, en ce moment, à cet instant », a-t-il ajouté dans un discours d’environ 10 minutes au cours duquel il a de nouveau appelé à « fermer le ciel de l’Ukraine ».

À la fin de son discours, Volodymyr Zelensky a interpellé directement Joe Biden, passant de l’ukrainien à l’anglais, après avoir présenté une vidéo montrant des images crues de son pays en guerre.

« Vous êtes le leader d’une nation, d’une grande nation. Je vous souhaite d’être le leader du monde. Être le leader du monde signifie être le leader de la paix », a dit d’une voix émue celui qui venait à peine d’affirmer ne pas voir « le sens de la vie si elle ne peut arrêter la mort ».

Joe Biden a répondu à l’appel de son homologue en débloquant une nouvelle aide militaire de 800 millions de dollars, portant à 1 milliard de dollars l’assistance sécuritaire supplémentaire promise par les États-Unis à l’Ukraine, une somme « sans précédent », selon lui.

« J’ai un rêve »

« Ce qui est en jeu ici, ce sont les principes que défendent les États-Unis, les Nations unies et les [pays] du monde entier », a déclaré le président américain lors d’une intervention à la Maison-Blanche, plus de deux heures après le discours de son homologue ukrainien.

PHOTO PATRICK SEMANSKY, ASSOCIATED PRESS

Joe Biden, président des États-Unis

Il s’agit de la liberté. Il s’agit du droit des gens à déterminer leur propre avenir. Il s’agit de s’assurer que l’Ukraine ne sera jamais une victoire pour Poutine, quelles que soient ses avancées sur le champ de bataille.

Joe Biden, président des États-Unis

Plus tard dans la journée, Joe Biden a qualifié pour la première fois l’homme fort du Kremlin de « criminel de guerre » en réponse à une question impromptue d’une journaliste. Jusqu’alors, il avait évité d’appeler « crimes de guerre » les atrocités constatées sur le terrain en Ukraine, invoquant les enquêtes internationales et américaines en cours.

Mais, comme prévu, Joe Biden a ignoré deux des principales demandes de Volodymyr Zelensky, à savoir l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne et le transfert d’avions de chasse polonais à l’Ukraine.

Le président ukrainien avait mentionné l’une de ces demandes dans son discours en rappelant les paroles de Martin Luther King.

« J’ai un rêve », avait-il déclaré en citant le célèbre discours de l’icône du mouvement des droits civiques avant de faire état de son « besoin de protéger notre ciel ».

PHOTO DE LA PRÉSIDENCE DE L’UKRAINE, FOURNIE PAR L’AGENCE FRANCE-PRESSE

Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine

Est-ce trop demander, de créer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine, pour sauver des gens ? Est-ce trop demander, une zone d’exclusion aérienne humanitaire ?

Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine

« Si c’est trop demander, vous savez de quels systèmes de défense nous avons besoin », a-t-il ajouté en faisant notamment allusion aux avions de chasse MiG-29 offerts par la Pologne.

Il avait également réclamé l’imposition de nouvelles sanctions contre la Russie et le retrait des entreprises américaines de ce pays.

Drones kamikazes

Dans sa brève intervention à la Maison-Blanche, Joe Biden a détaillé la nouvelle aide militaire destinée à l’Ukraine. Celle-ci inclut 800 systèmes de défense antiaérienne Stinger, 9000 systèmes antichars, environ 7000 armes légères, 20 millions de munitions et 100 drones kamikazes Switchblade.

Selon le président, l’envoi de ces drones démontre l’engagement des États-Unis « à envoyer [ses] systèmes les plus avancés à l’Ukraine pour sa défense ».

Nous allons continuer à soutenir [les Ukrainiens] dans leur lutte pour la liberté et la démocratie.

Joe Biden, président des États-Unis

Avant de qualifier Vladimir Poutine de « criminel de guerre », le président Biden avait dénoncé les « atrocités » commises par l’armée russe en Ukraine, notamment le bombardement « d’immeubles d’habitation, de maternités et d’hôpitaux ».

« Je vais être sincère, ce sera une longue et dure bataille, mais nous allons continuer d’aider l’Ukraine à se défendre dans les semaines à venir », a-t-il encore dit. « Poutine en paiera le prix. L’Amérique sera toujours du côté des forces de la liberté. »

Les élus du Congrès, tant démocrates que républicains, ont appuyé d’emblée le refus de Joe Biden d’acquiescer à la demande de Volodymyr Zelensky concernant l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne.

« Lorsque le président et son équipe indiquent que ce serait une escalade qui impliquerait un conflit potentiel entre les membres de l’OTAN et la Russie, il a raison », a déclaré le sénateur républicain de Caroline du Sud Lindsey Graham. « Ce calcul peut changer dans mon esprit. Mais pour l’instant, je soutiens la décision du président de ne pas s’engager dans cette voie. »

Il existe cependant des divergences sur la question du transfert d’avions de chasse de la Pologne à l’Ukraine.

« Le président Biden doit prendre une décision aujourd’hui », a tweeté le sénateur républicain de Floride Rick Scott avant l’intervention du président américain. « Soit donner à l’Ukraine l’accès aux avions et aux systèmes antiaériens dont elle a besoin, soit imposer une zone d’exclusion aérienne pour fermer le ciel ukrainien aux attaques russes. »