(Kaboul) Les États-Unis ont réalisé dimanche à Kaboul une frappe contre un véhicule chargé d’explosifs, afin de « supprimer une menace imminente » de l’État islamique au Khorasan (EI-K) contre l’aéroport, alors que les dernières évacuations se poursuivent à deux jours du retrait américain.

Un porte-parole des talibans a confirmé qu’un véhicule piégé avait été détruit alors qu’il se dirigeait vers l’aéroport et qu’une probable deuxième frappe avait atteint une maison située à proximité.

Les talibans ont annoncé aussi que leur chef suprême, Hibatullah Akhundzada, qui n’est jamais apparu en public, se trouvait en Afghanistan.  

« Il est à Kandahar. Il vit là depuis le début », a déclaré le porte-parole des talibans Zabihullah Mujahid. « Il apparaîtra bientôt en public », a ajouté le porte-parole adjoint Bilal Karimi.

« Vous le verrez bientôt, si Dieu le veut », s’était contenté d’assurer cette semaine à la presse leur principal porte-parole, Zabihullah Mujahid.

Par contraste, les chefs de diverses factions talibanes sont apparus publiquement à Kaboul ces derniers jours, prêchant dans des mosquées, discutant avec des figures de l’opposition ou même rencontrant des représentants de la fédération de cricket.

Les talibans ont depuis toujours l’habitude de laisser leur chef suprême dans l’ombre. Le fondateur du groupe, le mollah Omar, menait une vie d’ermite et allait rarement dans la capitale afghane du temps où le mouvement était au pouvoir dans les années 1990.

La « frappe aérienne défensive » de drone des forces américaines a été lancée depuis l’extérieur de l’Afghanistan, « contre un véhicule à Kaboul, éliminant une menace imminente de l’EI-K contre l’aéroport international » Hamid Karzai, a précisé pour sa part Bill Urban, un porte-parole du commandement central.

« Nous sommes certains d’avoir atteint la cible », a-t-il ajouté. « De fortes explosions secondaires provenant du véhicule ont montré la présence d’une quantité importante d’explosifs », a-t-il souligné, précisant ne pas avoir d’indication sur d’éventuelles victimes civiles.

Joe Biden avait fait savoir samedi qu’une nouvelle attaque islamiste était « hautement probable », après l’attentat de jeudi aux abords de l’aéroport de Kaboul, revendiqué par l’EI-K et qui a fait plus d’une centaine de morts dont 13 militaires américains.

L’ambassade américaine à Kaboul avait exhorté tous les Américains à quitter les abords de l’aéroport « en raison d’une menace précise et crédible ».

Les États-Unis avaient annoncé samedi avoir effectué une première frappe de drone dans l’est de l’Afghanistan, tuant deux membres « de haut niveau » du groupe État islamique et en blessant un troisième, et prévenu que ce ne serait pas « la dernière ».

Les évacuations d’étrangers et d’Afghans fuyant le nouveau régime des talibans sont entrées dimanche dans leur phase ultime à l’aéroport de Kaboul avant le retrait américain.

Il reste 300 Américains au plus à évacuer d’Afghanistan, a déclaré dimanche le secrétaire d’État Antony Blinken sur la chaîne ABC. « Nous travaillons sans relâche », a-t-il dit.

PHOTO CPL. DAVIS HARRIS, ASSOCIATED PRESS

Des soldats allemands filtrent les Afghans qui seront évacués à l’aéroport de Kaboul.

Depuis le soudain retour au pouvoir des talibans mi-août, après la débâcle de l’armée afghane auparavant soutenue par les Américains et leurs alliés, environ 114 400 personnes ont quitté le pays à bord de la noria d’avions affrétés notamment par les Occidentaux qui se succèdent sur le tarmac, selon les derniers chiffres de la Maison-Blanche.

Collaboration avec les talibans

À Kaboul, les talibans consolidaient leur emprise, notamment autour de l’aéroport, dernière enclave occupée par les Occidentaux.

L’attentat de jeudi a poussé talibans et Américains à collaborer plus étroitement. Si les premiers ont bouclé les routes menant à l’aéroport, ils laissent passer les bus transportant des passagers dont les noms figurent sur des listes données par les Américains, a expliqué un responsable taliban.

L’attaque a fait disparaître la foule des milliers d’Afghans massée auparavant depuis des jours à l’extérieur du site dans l’espoir d’accéder au tarmac.

« Zone protégée »

Le Royaume-Uni a achevé ses évacuations samedi avec le départ d’un vol transportant ses derniers militaires.

Le ministre britannique de la Défense Ben Wallace a estimé que jusqu’à 1100 Afghans éligibles à un départ pour la Grande-Bretagne étaient restés sur place.  

Londres les accueillera s’ils parviennent à quitter le pays par un autre moyen après la date butoir, a précisé le chef des forces armées britanniques, le général Nick Carter, jugeant « déchirant » ne pas avoir « pu faire sortir tout le monde ».

Italie, Allemagne, France, Suisse, Espagne, Suède, Pays-Bas, Canada et Australie ont aussi indiqué avoir achevé leurs vols d’évacuation.

Le président français Emmanuel Macron a affirmé samedi que son pays, qui a évacué 2834 personnes d’Afghanistan, menait « des discussions » avec les talibans et le Qatar pour poursuivre l’évacuation d’Afghans menacés.  

La France et le Royaume-Uni vont plaider lundi à l’ONU en faveur de la création à Kaboul d’une « zone protégée » pour mener des opérations humanitaires, a déclaré le président français à l’hebdomadaire Le Journal du Dimanche.

Ouvrir des discussions avec les talibans n’implique pas une reconnaissance ultérieure de leur gouvernement, a déclaré dimanche Emmanuel Macron. « Ceux qui ont le contrôle de Kaboul et du territoire [afghan] sont les talibans, donc de manière opérationnelle, […] nous devons avoir ces discussions » mais « cela ne préjuge pas d’une reconnaissance, parce que nous avons posé des conditions », a-t-il déclaré à l’antenne de la chaîne TFI depuis l’Irak.

Les talibans se sont efforcés depuis leur retour d’afficher une image d’ouverture et de modération.  

À l’ONU, une réunion des membres permanents du Conseil de sécurité sur la situation en Afghanistan est convoquée lundi.