Spectacle inusité hier à la Maison-Blanche : pendant 55 minutes, Donald Trump a permis aux journalistes, photographes et caméramans de suivre en direct une réunion sur l'immigration à laquelle il avait convoqué des parlementaires républicains et démocrates. La réunion s'est poursuivie pendant 25 autres minutes sans caméras.

En offrant un tel accès aux médias, le président cherchait à démontrer qu'il avait toutes ses facultés, contrairement au portrait dévastateur que brosse de lui Michael Wolff dans son best-seller Fire and Fury. Il voulait aussi prouver qu'il n'avait pas tourné le dos à l'approche bipartite que le public américain réclame.

Le résultat? Donald Trump ne s'en est pas trop mal tiré, même s'il a tenu des propos qui contredisaient de façon spectaculaire certains discours qu'il a tenus pendant la campagne présidentielle.

Vous vous souvenez de l'époque où l'ancienne star de la téléréalité préconisait l'expulsion des immigrés clandestins? Hier, le président s'est dit en faveur d'une «réforme complète» de l'immigration qui ouvrirait la voie de la régularisation à des millions de clandestins.

«J'assumerai les conséquences, je ne m'en fais pas», a déclaré Donald Trump en faisant allusion aux critiques qu'une telle réforme provoquerait au sein de la droite.

Le président s'est également dit en faveur du retour des earmarks (ou pork), cette pratique parlementaire qui permettait aux élus d'insérer dans un texte de loi quelconque des subsides destinés au financement d'un projet dans leur circonscription. Si la pratique pouvait convaincre des élus récalcitrants à appuyer un projet de loi, elle était également emblématique du «marais» que Donald Trump s'est promis d'assécher.

Le sujet principal de la réunion était la régularisation des quelque 800 000 clandestins arrivés jeunes aux États-Unis qui pouvaient étudier et travailler sans craindre d'être expulsés en raison d'un programme (DACA) adopté par Barack Obama et supprimé en septembre dernier par Donald Trump.

Le Congrès a jusqu'au mois de mars pour accorder un statut légal à ceux qu'on appelle les «Dreamers». Donald Trump et les républicains ne disent pas non à une mesure en ce sens, mais ils demandent notamment en échange des crédits pour ériger un mur à la frontière sud.

Or, dans un échange avec la sénatrice démocrate de la Californie Dianne Feinstein, Donald Trump a semblé confus à ce propos, laissant entendre qu'il pourrait régulariser le statut des Dreamers sans contreparties (voir la vidéo qui coiffe ce billet). Il a fallu que le numéro deux des républicains de la Chambre, Kevin McCarthy, lui rappelle les exigences républicaines pour que Trump ajoute, comme s'il ne s'était pas trompé : «C'est ce qu'elle a dit.»

Ce n'est justement pas ce qu'elle avait dit.

La performance de Donald Trump a quand même réjoui ou soulagé plusieurs républicains, sauf les nationalistes dans la lignée d'Ann Coulter. Celle-ci a écrit sur Twitter que «rien de ce que Michael Wolff pourrait dire au sujet de @realDonaldTrump lui a autant nui que ces mamours autour de DACA aujourd'hui.»

Les démocrates, de leur côté, ont réagi avec prudence à l'ouverture remarquable de Donald Trump concernant une réforme de l'immigration. Ils ont fait valoir que le président avait tendance à revenir rapidement sur ses propositions les plus susceptibles de plaire aux démocrates.

P.S. : Tard hier soir, un juge fédéral de Californie a provisoirement bloqué l'abrogation par le président du programme DACA, estimant que l'opinion du ministère de la Justice justifiant cette mesure était fondée sur «une base juridique défectueuse». À moins d'être cassée par un tribunal supérieur, cette décision signifie que les bénéficiaires du programme peuvent de nouveau déposer leurs demandes en attendant un jugement final.