À 76 ans, Manmohan Singh, premier ministre de l'Inde, se bat pour conserver la tête de son pays. Avec sa barbiche blanche et ses grosses lunettes, l'homme a l'air d'un bon grand-papa sur les publicités qui déferlent sur le pays. C'est d'ailleurs comme ça qu'il est perçu par une bonne partie de la population... pour le meilleur et pour le pire.

Demandez à Goutham, 26 ans, ce qu'il pense de son premier ministre et il se lance dans un concert d'éloges. Honnête, droit, compétent sur le plan économique: «C'est un bon premier ministre», tranche-t-il.

Pourtant, le jeune technicien en informatique n'a pas donné son vote à la formation de M. Singh, le Parti du Congrès. Il a plutôt choisi d'appuyer la formation rivale, le Bharatiya Janata Party (BJP) - le parti nationaliste qui prône l'hindouisme, religion de 80% des Indiens.

Pourquoi? «La sécurité était meilleure avec le BJP», répond-il.

On pourrait appeler ça le paradoxe Manmohan Singh. À peu près tout le monde à qui vous parlez le décrit comme un politicien «propre», qui a su éviter la corruption qui contamine souvent la politique indienne. Sauf que ses détracteurs voient dans sa modération le signe d'une incapacité à s'imposer.

»Un bon gars»

«C'est un bon gars (a good fellow), dit A.K. Babu, 68 ans, ingénieur à la retraite natif d'Hyderabad. Mais il est faible! Il est complètement dirigé par cette femme qui vient de l'étranger et qui ne comprend rien à rien.»

La femme à qui M. Babu fait allusion, c'est Sonia Gandhi. Née en Italie, elle est chef du Parti du Congrès. C'est elle qui, à la suite de sa victoire aux élections de 2004, a refusé à la surprise générale le siège de première ministre pour le céder à Manmohan Singh, ancien ministre des Finances et fonctionnaire au CV bien garni.

Né en 1932 dans la province du Punjab, Manmohan Singh est le premier sikh à occuper le poste de premier ministre. Après des études en économie à l'étranger (il a enseigné à Cambridge et détient un doctorat d'Oxford) il est revenu en Inde pour entreprendre une longue carrière dans la fonction publique.

Son passage comme ministre des Finances au début des années 90 a été remarqué. Simplification du système de taxes, abolition des contrôles, ouverture à l'entrepreunariat: Manmohan Singh est considéré comme l'architecte de la réforme économique qui a permis à l'Inde d'afficher l'un des taux de croissance économique les plus rapides de la planète.

Manque de vigueur

En tant que premier ministre, Manmohan Singh a toujours gardé un profil bas, peut-être parce qu'il n'a jamais été élu à la Chambre basse du Parlement indien et doit son poste à Sonia Gandhi. Son passage a été marqué par l'accord signé avec les États-Unis qui permet à l'Inde de développer son secteur nucléaire à des fins énergétiques.

Décrit comme pragmatique et comme un homme de consensus, Manmohan Singh peut généralement compter sur l'appui des minorités musulmanes et chrétiennes du pays, qui craignent la ligne plus dure et pro-hindou du BJP.

«Manmohan Singh gouverne pour tout le monde. Le pays a besoin de lui actuellement. L'Inde doit conserver un gouvernement non religieux», dit Shirley Bangera, 61 ans, résidante de Bangalore qui fait partie des 2,3% de chrétiens que compte le pays.

Mais plusieurs lui reprochent son manque de vigueur à la suite des attentats terroristes de Bombay de novembre dernier et de ne pas avoir su conserver le rythme de sa réforme économique. Il a récemment dû prendre un congé de six semaines pour subir une chirurgie cardiaque.

Manmohan Singh

Né en 1932 dans la province du Punjab

> Études en économie en Inde et en Angleterre

Gouverneur de banque centrale de l'Inde de 1982 à 1985

> Ministre des Finances de 1991 à 1996 (il est considéré comme l'architecte de la réforme économique indienne)

> Premier ministre depuis 2004

- Avec BBC et Outlook