Le milliardaire russe Roman Abramovitch a reconnu avoir versé plusieurs milliards de dollars pour obtenir faveurs politiques et protections afin de constituer sa fortune, selon le quotidien britannique The Times.

Le Times, qui aurait consulté un document judiciaire de 53 pages, écrit samedi que le milliardaire admet avoir payé de «vieux oligarques pour obtenir une part importante des ressources de pétrole et d'aluminium de la Russie et pour sortir indemne du démantèlement sanglant post-communiste».

Selon le journal, c'est la première fois qu'Abramovitch explique comment, partant de rien, il est parvenu en quelques années à amasser une fortune estimée à 11,4 milliards de livres et à échapper à la sanglante «guerre de l'aluminium» entre gangs qui, souligne le Times, aurait été fatale à une centaine de personnes.

Le document évoqué par le quotidien aurait été concocté pour sa défense dans le litige avec son compatriote Boris Berezovski. Ce dernier a déposé plainte en avril à Londres contre son ancien associé, lui réclamant, selon la presse, deux milliards de livres (2,5 milliards d'euros).

Selon la plainte, déposée devant la Haute Cour de Londres, Boris Berezovski accuse Abramovitch de l'avoir contraint à vendre à un prix sous évalué ses parts dans la chaîne de télévision ORT, la compagnie pétrolière Sibneft et le groupe d'aluminium Rousski Alumini (actuellement Rusal).

La valeur des actifs n'a pas été précisée mais M. Berezovski a estimé qu'elle pourrait approcher cinq milliards de livres (7,1 milliards d'euros).

Dans le document cité par le Times, Roman Abramovitch accuse M. Berezovski ainsi que l'oligarque géorgien Badri Patarkatsichvili de lui avoir «réclamé des sommes importantes pour l'aider à sortir de l'obscurité».

Abramovitch «reconnaît désormais avoir payé M. Berezovski, surnommé à l'époque +le parrain du Kremlin+ du fait de son influence sur le président (Boris) Eltsine, pour s'emparer de la société pétrolière» Sibneft lors de sa privatisation en 1995 après un processus suspect d'enchères.

«En échange de l'accord du défendeur à fournir à M. Berezovski les fonds dont il avait besoin pour la trésorerie d'ORT, M. Berezovski a accepté d'utiliser son influence personnelle et politique pour soutenir le projet (d'Abramovitch) et aider à franchir les étapes législatives nécessaires à la création de Sibneft», selon le document.

Abramovitch aurait ainsi versé 175 millions de dollars à Berezovski pour ses intérêts dans ORT --alors estimés 150 millions-- puis 1,3 milliard de dollars en 2001.

«Le défendeur a accepté de payer cette somme (de 1,3 milliard) partant du postulat qu'il s'agirait de la dernière demande de paiement émanant de M. Berezovski et que lui et M. Patarkatsichvili arrêteraient de s'associer publiquement avec lui et avec ses intérêts dans les affaires».

Il aurait accepté de verser 585 millions au Géorgien.

Après le pétrole, Abramovitch s'était tourné vers l'aluminium et aurait offert 500 millions de dollars à Patarkatsichvili pour sa protection.

«M. Patarkatsichvili a (...) aidé le défendeur dans l'acquisition par le défendeur d'actifs dans l'industrie russe de l'aluminium», selon le document cité par le journal.

Retrouvé mort en février à Londres après ce qui a été présenté comme un malaise cardiaque, il avait la réputation, selon le Times, de jouer les intermédiaires pour le crime organisé.

Interrogé par l'AFP, le porte-parole de Roman Abramovitch, John Mann, a déclaré qu'il «(s'agissait) d'une affaire en cours (...) et que (donc) ils ne feraient aucun commentaire dessus».

De son côté, Boris Berezovsky a affirmé que le document publié par le Times était véridique. Quant à savoir si les assertions du document étaient exactes, il a ajouté: «Cela ne me concerne pas, cela concerne mes avocats».