Alors que Québec investit 15 millions pour moderniser les «gobeuses» de canettes installées dans les commerces, l'association de propriétaires de dépanneurs DepQuébec se plaint qu'un grand nombre de pharmacies refusent de reprendre les contenants consignés qu'elles vendent, en contravention de la loi.

La Presse s'est livrée à l'exercice au cours des derniers jours. Deux pharmacies montréalaises ont refusé ou rechigné à l'idée de reprendre des paquets de 12 canettes de boisson gazeuse vides que nous avions achetées quelques jours auparavant dans ces commerces. «On ne reprend pas les canettes ici. Les épiceries ont beaucoup plus d'espace que nous, mais ici, on n'a pas l'espace nécessaire», a justifié le caissier d'un Pharmaprix de l'est de la ville.

Une caissière d'un Jean Coutu du quartier Rosemont a, quant à elle, refusé dans un premier temps de reprendre des contenants consignés, mais a ensuite accepté de le faire après avoir demandé à son gérant si elle pouvait faire une exception. «On ne les prend jamais ici», a-t-elle dit.

La loi est pourtant claire : «Quiconque, dans le cadre d'une opération de commerce au détail, offre en vente, vend ou distribue à titre gratuit de la bière ou des boissons gazeuses dans des contenants à remplissage unique doit accepter le retour après consommation», indique l'article 4.2 de la Loi sur la vente et la distribution de bière et de boissons gazeuses.

À défaut de s'y conformer, les commerçants sont passibles d'une amende de 600 $ à 30 000 $ pour la première infraction, et de 1200 à 60 000 $ pour les infractions subséquentes.

Les pharmacies Jean Coutu assurent qu'elles respectent la loi, mais affirment avoir très peu de demandes de la part des clients. «Les gens sont habitués d'aller directement à l'épicerie. Techniquement, si quelqu'un arrive dans une pharmacie, ils vont les reprendre, mais ce n'est pas quelque chose dont on fait la promotion. Ce n'est pas une demande qu'on a eue de nos clients», a indiqué la porte-parole Hélène Bisson.

Pharmaprix n'a pas donné suite à notre demande d'entrevue.

«Inacceptable»

Le refus de plusieurs pharmacies de reprendre les contenants consignés enrage les propriétaires de dépanneurs. Un sondage réalisé en 2015 par la firme Segma pour le compte de DepQuébec révèle que 48% d'entre eux estiment que les consignes représentent un problème pour leur entreprise. «Il y a de tout là-dedans : des cigarettes, des insectes, c'est parfois vraiment dégoûtant», souligne Guy Leroux, éditeur du site web de DepQuébec.

Le programme de Recyc-Québec accorde à ces petits commerçants 2 cents de dédommagement par canette ou bouteille reprise, mais cette compensation est la même depuis les années 80. Un propriétaire sur trois juge que cette activité est déficitaire.

«Dans ce contexte-là, que des pharmacies refusent de reprendre les contenants consignés, c'est inacceptable, insultant et, surtout, indéfendable d'un point de vue légal. La loi est très claire», souligne M. Leroux.

21 plaintes en 2017



L'organisme à but non lucratif Boissons gazeuses environnement (BGE), qui administre le système de consignation au Québec, indique avoir reçu 21 plaintes en 2017 concernant des commerçants qui refusaient de reprendre les contenants consignés.

«Certains commerçants refusent de reprendre le contenant parce qu'ils ne vendent pas le produit, mais ce n'est pas permis. Il n'y a pas de discrimination possible eu égard à la marque», indique le directeur général, Frédérick St-Onge.

Nouvelles «gobeuses»



En mars dernier, Québec a versé 15 millions en subvention au Fonds d'action québécois pour le développement durable afin de moderniser les compacteurs de canettes et de bouteilles consignées - communément appelées «gobeuses» - qu'on trouve dans les épiceries. Environ 70% de ces appareils ont plus de 10 ans d'usure, et de nouveaux modèles plus efficaces nécessitant moins d'intervention des employés sont apparus sur le marché.

Chacune des machines vaut entre 15 000 $ et 25 000 $ ; le gouvernement pourrait assumer jusqu'à 7000 $ par appareil. Le Québec compte entre 8000 et 10 000 endroits où l'on récupère les contenants consignés.