La Commission baleinière internationale (CBI), encore victime jeudi, aux dernières heures de sa réunion annuelle, de ses dissensions récurrentes entre pays chasseurs, Japon en tête, et ceux qui y sont opposés, est encore loin d'être l'organe de protection des cétacés dont rêvent certains.

«Le Japon veut tuer les baleines, et il pourrait être prêt à tuer cette commission pour le faire», se désespère Patrick Ramage, directeur du programme international sur les baleines au Fonds international pour la protection des animaux (Ifaw).

Jeudi, au dernier jour de la 63e session annuelle de la CBI à Jersey, les pays chasseurs, Japon, ont fait rejaillir les dissensions en quittant la salle, refusant de prendre part à un vote sur la création d'un sanctuaire pour les cétacés dans l'Atlantique Sud.

Depuis plusieurs années, la CBI (89 pays membres), seul organe de gestion des grands cétacés, privilégie l'adoption de mesures par consensus pour tenter de dépasser l'opposition très forte entre les pays protecteurs des baleines et les pays chasseurs (Japon, Norvège, Islande et leurs alliés).

Ce consensus a été de mise depuis le début de la session, lundi, permettant notamment l'adoption mercredi d'une réforme attendue des procédures de la CBI pour lutter contre des soupçons de corruption et améliorer la publication des compte-rendus et rapports.

Mais le Brésil et l'Argentine ont insisté jeudi pour soumettre au vote leur proposition d'instaurer un sanctuaire interdisant la chasse commerciale dans l'Atlantique Sud, une mesure plus symbolique qu'effective en raison du moratoire international en vigueur sur la chasse.

«Nous pensons qu'un vote aura un effet assez négatif sur l'atmosphère favorable que nous avons réussi à créer dans cette organisation», avait estimé Joji Morishita, commissaire adjoint de la délégation japonaise, avant de quitter la salle.

Il avait expliqué que le retrait des délégations des pays chasseurs et leurs alliés empêcheraient que le quorum requis pour le vote (45 pays) ne soit atteint.

S'en sont suivies plus de sept heures de négociations à huis clos pour aboutir à un compromis qui repousse l'examen de la proposition sud-américaine à la prochaine session, en 2012 à Panama.

«Nous avons surmonté une crise de mauvaise gouvernance majeure», a estimé le commissaire de Monaco, Frédéric Briand, après la clôture des débats.

«La première chose que nous ferons à Panama, ce sera de reconsidérer la proposition de sanctuaire de l'Atlantique sud, et si un consensus n'est pas possible, ce qui est le scénario le plus plausible, nous passerons à un vote», a-t-il expliqué.

«Nous avons survécu, de justesse. J'espère que cela renforcera les relations de coopération autour de cette organisation dans le futur», a pour sa part estimé M. Morishita, qui n'a pas souhaité commenter la possibilité d'un vote.

La plupart des ONG ont en revanche regretté que, après s'être accordés mercredi sur une résolution prévoyant plus de transparence, les délégués aient passé la majeure partie de la dernière journée de la session derrière des portes closes.

La réunion a été close sans que certains des sujets à l'ordre du jour, concernant la protection des baleines, n'aient pu être abordés.

«L'acrimonie est souvent l'ennemie de la protection - dans ce cas cela signifie qu'une réunion cruciale pour les baleines a échoué à répondre aux plus grandes menaces auxquelles elles font face», a estimé Wendy Elliott, chef de la délégation du WWF à Jersey, souhaitant que la question de la protection «soit en tête» l'année prochaine à Panama.