François Legault refuse de garantir que le Québec atteindra ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre (GES) pour 2020. C'est la première fois que le gouvernement québécois admet qu'il pourrait rater cette cible, adoptée par les libéraux, et dont le premier ministre a mis en cause le réalisme hier.

En 2009, sous Jean Charest, Québec s'est engagé à baisser d'ici 2020 ses émissions de GES de 20 % par rapport au niveau de 1990. Six ans plus tard, le gouvernement de Philippe Couillard s'est fixé une cible plus ambitieuse pour 2030, soit une baisse de 37,5 % sous le niveau de 1990.

À son arrivée à l'Assemblée nationale, hier, François Legault a assuré qu'il restait engagé à atteindre la cible de 2030. Mais il a mis en cause le réalisme de celle de 2020.

« Il faut qu'on ait des estimés de 2019, 2020 pour voir jusqu'à quel point c'est réaliste, l'objectif de 2020, a convenu M. Legault. Moi, je veux m'assurer que notre plan va nous permettre d'atteindre la cible de 2030. »

« 2020, je ne peux pas répondre à la question actuellement. Je n'ai pas assez de données pour être capable de répondre à cette question-là. »

- François Legault

C'est la première fois qu'un membre du gouvernement remet en question l'atteinte de la cible de 2020. Encore au printemps, la ministre libérale de l'Environnement Isabelle Melançon affirmait que Québec allait y parvenir.

Reste qu'au fil des années, différentes publications officielles ont tracé un portrait beaucoup moins optimiste. Selon le rapport de mi-parcours du Plan d'action sur les changements climatiques (PACC), publié en mars, il n'y a « pas de progression globale significative dans les réductions d'émissions de GES au Québec ». On y calculait que pour atteindre la cible de 2020, il faudrait réduire les émissions québécoises de 9 mégatonnes, soit plus de 10 %.

M. Legault compte « tout faire » pour atteindre l'objectif de 2020, mais il n'a pas été en mesure de le garantir hier. Il a renvoyé la balle au précédent gouvernement libéral.

« C'est sûr que la cible de 2030, on va devenir responsables, a dit M. Legault. Mais actuellement, si on parle de la cible de 2020, on est dépendants de ce que les libéraux ont fait ou n'ont pas fait. »

Québec est en voie de mettre à jour l'inventaire des émissions de la province. Le dernier rapport couvrait l'année 2015 et laissait entrevoir que la province était en voie de rater ses objectifs.

Pendant la campagne électorale, la Coalition avenir Québec a été critiquée pour la faiblesse de ses propositions en matière d'environnement. Une fois élu, M. Legault a cependant exprimé une « sincère préoccupation » pour la question climatique et promis de s'y attaquer avec des propositions concrètes.

DES INTENTIONS CRITIQUÉES

À l'approche de son discours inaugural, qu'il prononcera aujourd'hui, différents médias, dont La Presse, ont rapporté que le gouvernement caquiste fixerait des cibles climatiques « plus réalistes ».

Ces reportages ont provoqué l'ire de l'opposition et des groupes environnementaux, hier. Ces derniers se sont regroupés pour demander à Québec le maintien des cibles de réduction de GES.

« M. Legault a le choix actuellement : soit il se positionne comme un leader dans la lutte aux changements climatiques, soit il choisit le camp des Doug Ford et des Andrew Scheer de ce monde et il va à l'encontre du consensus social québécois sur la lutte aux changements climatiques. »

- Patrick Bonin, porte-parole de Greenpeace

Contrairement au gouvernement, le Parti libéral ne doute pas du réalisme de la cible de 2020.

« Elle est atteignable dans la mesure où on veut faire les efforts pour l'atteindre, a affirmé la députée Marie Montpetit. Elle est atteignable dans la mesure où on a la volonté politique de le faire et, en ce moment, la volonté politique, elle n'est clairement pas au rendez-vous. »

« Les cibles actuelles sont réalistes, mais encore faut-il qu'on se donne les moyens pour les atteindre », a renchéri le député du Parti québécois Sylvain Gaudreault.

La co-porte-parole de Québec solidaire Manon Massé a convenu que les cibles de 2020 étaient « difficilement atteignables parce que les gestes passés n'ont pas été faits ». Mais le gouvernement Legault ne doit pas jeter l'éponge pour autant, a-t-elle affirmé.

« Ce n'est pas les cibles qu'il faut diminuer, a-t-elle dit, c'est les gaz à effet de serre. »

CRI D'ALARME DE L'ONU SUR LE CLIMAT

Le monde s'éloigne de son objectif de maîtrise du réchauffement climatique, avec un fossé grandissant entre les émissions de GES et l'ambition de l'Accord de Paris, a alerté l'ONU dans un rapport annuel sévère, hier. Pour garder la hausse du mercure en deçà de 2 °C, les États devront tripler d'ici 2030 le niveau global de leur engagement par rapport aux promesses faites en 2015 à la conférence sur le climat de Paris (COP21), souligne le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). En 2017, les émissions de GES sont reparties à la hausse, après trois ans de relative stabilité.

- Agence France-Presse

PHOTO MARTIN TREMBLAY, archives LA PRESSE

Selon le rapport de mi-parcours du Plan d'action sur les changements climatiques (PACC), publié en mars, il n'y a « pas de progression globale significative dans les réductions d'émissions de GES au Québec ».