Prenant le contrepied de la plupart des pays occidentaux, dont le Canada, l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis (EPA) révise actuellement ses façons de faire d'une manière qui pourrait faciliter le recours à l'amiante.

La démarche irrite au plus haut point les organisations écologistes du pays qui réclament depuis des années l'interdiction pure et simple du produit cancérigène.

Elles accusent l'administration du président Donald Trump, qui a défendu l'utilisation de l'amiante par le passé, de céder aux pressions de l'industrie plutôt que de veiller à protéger la santé de la population.

« Il est incroyable qu'on en soit encore à discuter des risques posés par l'amiante en 2018 », souligne en entrevue Bill Walsh, qui a fondé le Healthy Building Network (HBN), organisation de protection environnementale observant de près le secteur de la construction.

Il estime que l'EPA fait preuve d'hypocrisie en assurant vouloir mieux réguler le produit tout en adoptant une approche qui pourrait de facto encourager son utilisation.

L'agence environnementale a lancé la polémique au début de l'été en annonçant l'introduction d'une nouvelle procédure visant à lui permettre d'évaluer en amont les risques posés par tout nouveau produit manufacturier contenant de l'amiante.

Une approche «nécessaire»

L'EPA a indiqué que cette approche était nécessaire « pour garantir qu'elle [serait] avisée en temps opportun » de tels projets et pourrait soupeser les risques pour intervenir avant qu'il ne soit trop tard.

M. Walsh relève que l'agence a mis de l'avant du même coup une méthodologie pour évaluer les risques qui sera très restrictive et omettra de considérer l'impact, largement documenté, d'utilisations passées du produit, par exemple pour isoler des bâtiments.

Le seul résultat possible de cette approche, relève le militant, sera de minimiser l'impact sanitaire potentiel de l'utilisation de l'amiante et d'en encourager l'utilisation future.

Un porte-parole de l'EPA a indiqué hier par courriel que la nouvelle procédure était nécessaire pour permettre à l'organisation de limiter légalement le développement de nouveaux produits à base d'amiante et qu'il ne s'agissait pas d'une stratégie pour encourager le recours à ce produit.

« Si c'est le cas, ils devraient interdire l'amiante et donner une période transitoire aux quelques entreprises qui l'utilisent encore pour revoir leurs façons de faire », relève M. Walsh.

Une autre organisation environnementale critique des actions de l'EPA, l'Environmental Working Group (EWG), accuse ses dirigeants de manipuler le processus d'évaluation des risques utilisé pour l'amiante et pour d'autres produits contestés de manière à dissimuler leur toxicité réelle.

« L'amiante est l'une des substances toxiques les plus étudiées de la planète. Ses risques pour la santé sont bien documentés et de nouvelles recherches suggèrent que près de 40 000 Américains meurent encore chaque année de maladies qui y sont liées. »

- Melanie Benesh, juriste d'EWG, qui demande l'interdiction pure et simple de l'amiante

Kathleen Ruff, militante canadienne qui suit depuis des années le dossier de l'amiante, relève que l'EPA est minée de l'intérieur par des administrateurs ayant longtemps « été au service d'industries toxiques ».

Nancy B. Beck, la personne ayant été désignée par l'administration Trump pour chapeauter l'unité chargée d'évaluer la toxicité des produits chimiques, était précédemment cadre de l'une des principales organisations de lobbyisme de l'industrie.

« Le gouvernement américain n'assure pas à l'heure actuelle la protection de la population comme il devrait le faire », souligne Mme Ruff, en relevant que le recours à l'amiante a sensiblement diminué au fil des ans dans le pays sans pour autant cesser.

Des excuses exigées

Après avoir longtemps défendu la production et l'exportation d'amiante, le gouvernement du Canada s'est rallié pour sa part il y a quelques années à la position des grandes organisations sanitaires relativement aux risques posés par le produit et à la nécessité de l'interdire.

Des mesures interdisant formellement l'importation et l'utilisation d'amiante ont été annoncées en janvier et devraient entrer en application en 2019, relève Kathleen Ruff, qui presse Ottawa de présenter des excuses à la population pour avoir défendu le produit pendant si longtemps.

« Nous avons des décennies de retard sur de nombreux pays qui ont déjà interdit l'amiante. Et des milliers de personnes sont mortes inutilement », dit-elle.