Un océan si corrosif que les coquillages fondent, c'est la vision d'horreur qui hante les scientifiques depuis quelques années. Ils commencent seulement à étudier cette conséquence peu connue de la pollution de gaz carbonique due à la combustion de charbon, de pétrole et de gaz qui risque de tout bouleverser. Car le changement dans l'acidité des océans est très rapide, à l'échelle géologique.

«Le rythme de changement est 100 fois plus rapide que ceux vécus depuis 20 millions d'années», dit Alfonso Mucci, professeur à l'Université McGill et conférencier au colloque de Québec-Océan.

Dans une eau plus acide, plusieurs espèces fondamentales pour les océans peinent à former leur squelette ou leur coquille.

C'est le cas notamment d'une classe d'algues appelées coccolithophores, qui représentent le tiers de la production biologique des océans. Elles sont à la base de la chaîne alimentaire océanique. Et elles sont en danger.

L'acide se forme quand le gaz carbonique (CO2) est absorbé dans l'océan. Au contact de l'eau, de l'acide carbonique se forme.

Le phénomène va s'accentuer si on ne parvient pas à limiter les émissions de gaz carbonique. «D'ici à la fin du siècle, la concentration en protons [H+] aura encore doublé», affirme M. Mucci, en parlant du mode de mesure de l'acidité.

C'est un phénomène qu'on trouve dans tous les océans. Mais, à cause de facteurs particuliers, le fond de l'estuaire du Saint-Laurent offre un avant-goût de la version extrême de l'océan corrosif dont on pourrait hériter dans une centaine d'années, dit-il.

Difficile de former un squelette

Les animaux marins et les algues utilisent deux types de carbonate de calcium pour leur squelette ou leur coquille: la calcite et l'aragonite. Le second type est plus sensible à l'acidité. Actuellement, au fond de l'estuaire, «les eaux sont corrosives pour tout squelette ou toute coquille d'aragonite». Les oursins et les coraux sont parmi les espèces qui ont une structure d'aragonite.

Le problème de l'acidification des océans avait été prévu par les chimistes depuis des décennies, mais cela fait moins de 10 ans que la communauté scientifique dans son ensemble a commencé à en étudier les impacts.

C'est le cas de Josiane Melançon, de l'Université Laval, qui a fait des expériences dans le Pacifique Nord, au large de la Colombie-Britannique. Elle a simulé l'impact de l'acidification sur les algues qu'on trouve dans cette région de l'océan. Elle a observé que l'acidification inhibe la croissance des algues, même si en même temps elle augmente la disponibilité du fer, fertilisant important pour les algues.