C'est bel et bien le grand ami de feu Fredy Villanueva, Denis Meas, qui a signé et paraphé en plusieurs endroits la déclaration dont il nie avoir le moindre souvenir depuis des jours, a-t-il admis mardi.

Il poursuivait son témoignage devant le coroner André Perreault, qui préside au palais de justice de Montréal l'enquête publique sur la mort du garçon de 18 ans, survenue le 9 août 2008. En après-midi, seulement deux personnes, dont la mère des frères Fredy et Dany Villanueva, assistaient aux travaux.

Denis Meas, l'un des deux individus blessés dans l'affaire, avait jusque-là refusé d'admettre que c'est sa griffe que porte la déposition qui aurait été recueillie par des enquêteurs de la Sûreté du Québec (SQ) à l'hôpital Santa Cabrini le lendemain de la tragédie. Il ne reconnaissait pas son écriture, disait-il.

Mais mardi, Me Pierre Dupras, l'avocat du policier Jean-Loup Lapointe - celui qui a ouvert le feu le soir fatidique -, a réussi à compléter le travail amorcé la semaine dernière par son confrère Gérald Soulière, qui représente l'agente Stéphanie Pilotte, elle aussi impliquée dans l'événement.

Le 17 mai dernier, Me Soulière avait fait remarquer à Denis Meas qu'il avait été blessé au haut du bras droit et qu'il n'aurait donc pas pu signer de sa main dominante. Mardi, Me Dupras a comparé les signatures apparaissant sur la déclaration que la SQ lui attribue à celles qu'on retrouve sur des formulaires remplis quelques heures plus tôt à l'hôpital. Denis Meas a dû reconnaître, mais fort timidement, qu'elles sont identiques.

Un peu plus tôt, Pierre Dupras avait tourné en ridicule la prétention du témoin voulant qu'il n'ait jamais été rencontré par des enquêteurs de la SQ.

Sur le ton de l'ironie, l'avocat lui a lancé qu'il a dû être «surpris» de découvrir, en étudiant la preuve de la présente enquête, une déposition qu'on lui attribue à tort et qui, en plus, contient des «mensonges». Me Dupras a ajouté qu'il a dû vouloir porter plainte contre la SQ, voire poursuivre en justice ceux qui ont préparé ce «faux document».

«Moi, j'attendais mon témoignage» pour rétablir les faits, a rétorqué Denis Meas. Quant aux autres mesures qui pourraient être prises, «j'en ai parlé à mon avocat». Elles relèvent donc du secret professionnel et le coroner n'a pas permis qu'on les explore davantage.

Les affirmations qui se trouvent dans la déclaration - dont la mention «Freddy (sic) a touché les policiers» - constituent «de la foutaise», a cependant continué à soutenir Denis Meas, même s'il reconnaît l'avoir signée.

Les policiers représentent-ils l'autorité en tout temps?

Tout au long de son témoignage, Denis Meas a laissé tomber quelques phrases qui en disent long sur la façon dont les jeunes de Montréal-Nord - et sans doute d'ailleurs -perçoivent l'autorité des policiers.

Mardi, il a estimé que l'agent Lapointe aurait dû justifier ses actions quand lui et ses amis lui ont demandé pourquoi il s'en prenait à Dany Villanueva, le projetant même au sol. «Il avait juste à me répondre (et à me dire) pourquoi il l'arrêtait», a-t-il clamé.

Ce commentaire a d'ailleurs retenu l'attention du coroner Perreault, qui y est revenu quelques instants plus tard. «Selon vous, il devait vous fournir des explications?», a-t-il demandé.

«Je ne comprenais pas» pourquoi le policier agissait comme il le faisait, a alors réitéré Denis Meas, laissant entendre que l'affaire aurait peut-être connu un dénouement différent s'il avait pris le temps de s'expliquer.

La semaine dernière, Denis Meas avait dit croire que si un policier lui paraît abuser de ses pouvoirs, il a le droit de s'en mêler. «Si on sent le besoin de protester, on doit protester, avait-il estimé. (...) Si je vois que les policiers font mal leur travail, j'ai besoin de protester.»

Il n'était pas d'accord avec l'idée qu'il ne faille jamais intervenir dans une opération policière, même si on lui avait suggéré que c'est le cas et qu'il est préférable de s'adresser plus tard aux instances appropriées si l'on pense que les policiers sont dans le tort.

L'audience de mercredi pourrait être la dernière du témoignage de Denis Meas.